« Les déraisons » d’Odile d’Oultremont

« Adrien a toujours évité de se poser cette question. Et si Louise n’avait été séduite par rien chez lui ? Peut-être l’a-t-elle aimé pour une raison qui se trouve d’en être aucune. Juste parce que l’aimer, c’était pile l’endroit où se trouver, le point entouré sur la carte de Louise, le millimètre carré où s’enfonce la fléchette lancée sur la cible. Où peut-être l’a-t-elle aimé instinctivement. Sans hiérarchie de pourquoi ou de parce que. À l’animale. On se flaire sans réaliser que, déjà, la chimie opère. La matière de l’un reconnaît celle de l’autre, elles se conviennent à tel point qu’elles veulent fusionner instantanément, lobant par ce système primitif toute forme de réflexion. Ta gueule ! Tu penseras plus tard.  À l’instant précis du coup de foudre, la dopamine, l’ocytocine, l’adrénaline et la vasopressine insultent copieusement le cerveau.

C’est ce qui a pu arriver à Adrien et Louise ».

Ce premier roman est une très grosse surprise. J’avais lu la quatrième de couverture et j’étais sceptique. Au vu de ce qui était annoncé, soit ça passait soit ça cassait. Je peux vous dire que ça passe haut la main.

Lors d’une tournée d’information auprès des clients, Adrien, employé d’AquaPlus, rencontre Louise. Il découvre une jeune femme fantasque, qui vit tout à travers l’imaginaire et l’optimisme. Lui, l’homme sérieux et responsable, un peu plan-plan, tombe sous le charme de ce rayon de soleil, de ce petit grain de folie. Pendant près de dix ans, ils mènent une vie complètement en marge, faite de déraisons, de ces petits moments fous et tendres que l’on oublie trop souvent de vivre. Mais, la maladie s’empare de Louise. Le verdict est sans appel : un cancer du poumon. Louise reste optimiste, la chimio va forcément détruire ses « Honey Pops ». Mais Adrien, lui, sait que le combat est âpre et l’issue incertaine. Au même moment, il est mis au placard par son entreprise. S’apercevant que personne ne remarque ses absences au bureau, il prend la décision de ne plus venir et d’accompagner sa belle dans son combat tout en lui permettant de continuer à voir la vie en rose.

Ce roman où l’on suit ces nouveaux Colin et Chloé nous fait passer par toute une palette d’émotions. C’est drôle, tendre, émouvant, grave à la fois. Odile d’Oultremont fait un véritable éloge de la vie, de la fantaisie et critique notre monde moderne étriqué, absurde. Les pages sur le milieu professionnel semblent impensables mais pourtant réelles, justes. L’écriture est sublime, le récit maîtrisé de bout en bout. C’est un roman qui fait un bien fou et qui montre aussi que dans l’adversité et dans la douleur, une lueur d’espoir et de gaieté est possible.

Odile d’Oultremont – Les déraisons – Editions de l’Observatoire – 220p