« On fait parfois des vagues » d’Arnaud Dudek

« Apprendre son infertilité. L’admettre. Passer à autre chose. Faire le deuil d’une paternité normale. Au royaume des certitudes, comment a réagi mon père ? A-t-il eu l’impression de ne plus être un homme, un vrai ? A-t-il craint, à un moment ou à un autre, de perdre ma mère ? S’est-il senti honteux ? coupable ? […]

Je n’ai jamais songé à aborder frontalement ces questions parce que je suis persuadé de ne rien obtenir ; si la certitude est un pays, l’esquive est un empire – et mon père maîtrise cet art aussi bien que le badminton ».

Il est des auteurs que j’aime lire et suivre parce qu’ils ont la capacité de regarder le monde – les grandes et et les petites choses – à la fois avec une grande lucidité et une grande tendresse. Arnaud Dudek fait partie de ces auteurs.

La vie fait parfois des vagues, elle n’apporte pas ce que l’on souhaite. Ici, un couple ne parvient pas à avoir un enfant. Le verdict tombe : azoospermie. Ils ont recours à un donneur et Nicolas, notre narrateur, voit le jour. Il découvre la vérité sur sa conception à l’âge de dix ans. Le choc. Et le silence qui s’installe entre le père et le fils. Des non-dits, de la pudeur, un mal être peut-être. Quelque chose en tout cas qui peine à sortir. Et puis, devenu adulte, Nicolas ressent un besoin...

Arnaud Dudek aborde ce sujet de l'infertilité et de la filiation de façon gracieuse. C’est comme s’il le prenait avec des pincettes, le secouait légèrement pour en faire tomber les mots et ensuite le reposait tout aussi délicatement. Il prend le lecteur par la main avec sa voix de conteur en lui faisant faire des aller-retours temporels, en décrivant le monde de l’enfance, en lui racontant – avec ce décalage qui est une des marques de fabrique de l’auteur – l’histoire d’Antonin Van Leeuwenhoek, le découvreur des spermatozoïdes. Et puis, on en arrive au principal : l’identité et la transmission. Qui sommes-nous ? De quelle histoire sommes-nous le fruit ? Qu’est-ce qu’être père ? Qu’héritons-nous de nos parents ? Comment vivre une histoire filiale compliquée ? 

Mais surtout, Arnaud Dudek nous montre comment l’amour parvient à tout transcender, à se moquer de la biologie et du sang. Un beau roman sur des hommes en quête de réponses et d’amour.

Arnaud Dudek – On fait parfois des vagues – Anne Carrière – 190p