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LES LECTURES DU MOUTON
29 septembre 2020

« Permafrost » d’Eva Baltasar

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Permafrost : La couche de terre qui reste toujours gelée. (Variante) La femme qui a une carapace pour se protéger du monde qui l’entoure, de ses affects.

Ce qui fait la force de ce livre, ce n’est pas l’histoire mais c’est la voix de la narratrice. Une voix que l’on n’a pas l’habitude d’entendre, de lire. Parce que ce n’est pas politiquement correct. Tentations suicidaires, fantasmes, sexe désinhibé, liberté, non-engagement, lesbianisme, famille, maternité. Tout passe sous l’œil aiguisé et acide de cette femme. Le propos peut glacer parfois le lecteur tellement c’est sombre, tellement c’est franc et honnête.

Permafrost, c’est le portrait d’une femme qui refuse les injonctions, au risque peut-être de se couper des autres, de paraître froide et égoïste. La narratrice n’est pas faite pour être attachante : elle est là pour décrire un monde intérieur féminin brutal et dérangeant.

En exergue de ce roman, une citation du Naufragé de Thomas Bernhard sur le malheur de naître. Si Eva Baltasar n’a pas forcément la même ironie mordante que son aîné, elle dégoupille quelques grenades. « Réussir son suicide tient aujourd’hui de la prouesse », lance-t-elle tout en listant tous les obstacles à l'accomplissement de l’acte. À la mère qui contrôle tout, a un avis sur tout, elle n’hésite pas à dire : « transmettre des nouvelles importantes : le seul orgasme qu’elle connaisse ». Elle se moque de sa sœur qui souhaite savoir comment c’est de coucher avec une fille. Elle quitte les femmes dès qu’elles l’aiment.

Pourtant, sous la couche de glace, la douleur est bien là. Elle circule et fissure progressivement la carapace. La narratrice souffre de ce qu’elle peut faire aux autres malgré les apparences. Les actions ou leur absence n’apaisent en rien la difficulté de vivre. Même l’amour et le sexe n’apportent pas la paix : « le sexe m’éloigne de la mort. Pourtant, il ne me rapproche pas de la vie ». Un événement dramatique va faire fondre un peu plus ce permafrost.

Ce premier volet d’une trilogie mérite le détour même s’il ne plaira pas à tous.

Traduit du catalan par Annie Bats.

Eva Baltasar – Permafrost – Verdier – 115p (traduit du catalan par Annie Bats).

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Commentaires
M
Une lecture qui grâce à une critique fluide, élégante et concise
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