« Requiem pour une apache » de Gilles Marchand

« Puisqu’on allume les étoiles, c’est qu’elles sont à quelqu’un nécessaires ».

Un vers de Maïakovski peint sur un mur par une bande d’éclopés de la vie un peu (beaucoup) alcoolisés. Même pas un slogan, même pas une revendication mais une façon de devenir quand on est rien.

« Chuis rin », répète sans cesse Vieux John qui, comme ses camarades de jeu, à leur façon, est un homme en marge de la société. C’est un ouvrier à la retraite qui fabriquait des soupirs et n’avait pas les mots pour se révolter. Joséphine, la photographe, a connu le sexisme. Antonin est vu comme un être un peu dérangé avec son bizzarrotron. Marie-Pierre vend des encyclopédies. Bonnie et Clyde sont des bandits repentis même s’ils continuent de faire les fonds de poche pour garder la main. Paul a eu cette idée insensée d’amener la mer en ville. Et puis, il y a Wild Elo, le chanteur devenu ringard, connu pour son tube « Les cœurs déchirés ». C’est lui qui raconte l’histoire. Celle d’une apparition dans l’hôtel de Jésus : Jolene.

Jolene, comme la chanson de Dolly Parton qu’elle ne cesse de mettre dans le juke-box. Un surnom sur un malentendu. Un surnom sur un prénom qu’elle ne veut pas montrer sur son badge de caissière de supermarché. Pourquoi les clients l’appelleraient par son prénom alors qu’on donne du monsieur au patron ?

Jolene est l’ouragan qui ne laisse rien indemne dans cet hôtel. L’étincelle est la visite de l’employé du gaz.

Malgré eux, les clients de Jésus attirent tous les marginaux de la société : les bègues, les gros, les roux… Une volonté de changement ? Un espoir ? Un rêve ? Qui sait ce qu’attendent ces êtres…

Comme à son habitude, Gilles Marchand nous plonge dans un monde tendre, drôle et barré. Il est question du passage piéton d’Abbey Road, de la République de Montmartre, du jeune Zétwal et sa fusée, du pouvoir insoupçonné d'Aimé Césaire. Il est question de rêves, de poésie, de tolérance, d’amour, d’amitié, de musique. De tout ce qui est important dans la vie en fait. De nombreux clins d’œil aux précédents romans sont présents également.

Et je m’arrête ici. Parce que lire ce roman est plus intéressant que ce qu’on peut en dire.

Gilles Marchand – Requiem pour une apache – Aux Forges de Vulcain – 405p