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LES LECTURES DU MOUTON
16 août 2020

« Pleines de grâce » de Gabriela Cabezón Cámara

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« Je me sentais échouée et j’ai cru avoir survécu à un naufrage. Je sais maintenant que personne ne survit à un naufrage. Ceux qui coulent meurent et ceux qui s’en sortent vivent en se noyant » ?

« Tout ce qui est né will die ».

L’art de jongler sans cesse entre le comique et le tragique. C’est ce qui attend le lecteur en ouvrant Pleines de grâce, roman sous les allures d’un manuscrit qu’écrit la journaliste Qűity pour raconter l’histoire de la villa El Paso, un bidonville de Buenos Aires. Régulièrement, Cleo, l’autre personnage important de l’histoire, intervient dans les écrits de sa belle : « je ne sais pas ce que tu fais, mon amour, tu écris n’importe quelle connerie ».

Deux voix qui se superposent pour raconter le couple qu’elles forment et la vie de ce bidonville qu’elles ont fui pour se réfugier à Miami et devenir « de riches dames de pays développés ».

Tout commence avec une révélation. Travestie et prostituée, Cleo est violée et tabassée un jour par des flics quand, « sur le point de s’étouffer dans son propre sang et dans le sperme de tout le commissariat, elle avait eu une vision : la Vierge ». Elle abandonne la prostitution et répand la bonne parole de la Vierge. Qűity la rencontre lors d’un reportage dans la villa. Cette dernière découvre l’amour loin des cadres conventionnels, affronte la violence quotidienne (les trafics de drogue, une femme brûlée vive, un petit garçon assassiné) mais aussi les mécanismes d’entraide d’une communauté qui ne se résigne pas et s'autogère. Ainsi, un projet de construction d’un étang avec poissons se met en place… jusqu’au jour où ceux qui tiennent d'une main de fer le bidonville souhaitent tout raser pour de nouveaux projets immobiliers. Le drame arrive.

Un premier roman mené tambour battant et servi par une langue vive, crue, violente, colorée, musicale. Une langue, bien rendue par la traduction de Guillaume Contré, qui permet de saisir au plus près les événements tragiques de la villa, de mettre en valeur les personnages en marge de la société et de dénoncer les inégalités sociales criantes. Un roman queer qui dégomme avec éclat les conventions, préjugés sur le genre et revendique une vie amoureuse, sexuelle et familiale libre.

Gabriela Cabezón Cámara – Pleines de grâce – éditions de l’Ogre – 200p (traduction de Guillaume Contré).

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