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LES LECTURES DU MOUTON
25 février 2019

« 37, étoiles filantes » de Jérôme Attal

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« C’est tout le charme d’Alberto : il passe une tête dans votre vie et vous vous y habituez. Vous voulez qu’il reste dans le cadre. C’est comme ça que Montparnasse adopte les artistes venus des quatre coins de l’Ancien Monde. Comme ça que Paris adoube les petites pisseuses de province qui en une seule journée se déclarent plus parisiennes que les cariatides des fontaines Wallace. C’est toute la mécanique du charme dont le souffle léger brûle les autres avant que votre aura ne soit touchée par un baiser de cendres et que vous vous aperceviez, un matin dans la glace, que votre vie est consumée par les deux bouts ».

C’est la première fois que je lis Jérôme Attal si j’excepte sa contribution pour le numéro spécial des trente ans du Serpent à plumes. Autant vous dire tout de suite que j’ai aimé.

Nous sommes à Paris en 1937. Alberto Giacometti, le célèbre artiste qui n’était pas encore célèbre, est renversé par une voiture. En convalescence, il apprend que Jean-Paul Sartre, qui s’apprête à publier son premier roman chez Gallimard, a eu une phrase piquante à son encontre : « Il lui est ENFIN arrivé quelque chose ». Armé de béquilles mais d’un métatarse en bouilli, Giacometti veut refaire le portrait de l’odieux bigleux des lettres.

Et nous voici embarqués dans la vie trépidante de l’artiste. Au fil de ses expéditions et de ses rencontres, nous découvrons tout le Montparnasse artistique des années 30. Les personnages sont exubérants, décalés, parfois arrogants et opportunistes mais, peu à peu, nous percevons des failles. Alberto Giacometti est un homme qui a un rapport compliqué avec les femmes, il doute beaucoup sous ses airs volubiles d’artiste déterminé. J’ai aimé la façon dont l’auteur a évoqué les femmes dans différentes situations ; des femmes qui sont libres à leur façon même si l’époque prête une liberté de façade.

Jérôme Attal a saisi ses personnages en 1937, au seuil de la reconnaissance qui ne se fera pas sans douleur puisque la guerre sera passée par là. Ils n’ont pas la gloire mais ils vivent leurs derniers instants de fêtes, d’insouciance, de gaieté avant que la noirceur envahisse le monde. Nous voyons d’ailleurs cette menace poindre au fil du texte. Ces artistes sont les étoiles filantes avant que la nuit ne vienne tout engloutir.

Jérôme Attal a l’art de conter cette histoire avec humour, tendresse. Les dialogues sont truculents, d’une grande modernité. J’ai même vu plusieurs références très actuelles.

N’hésitez pas à découvrir ce roman qui divertit bien tout en étant sérieux, un peu à l’image de l’auteur (pour ce que j’en ai vu à travers quelques rencontres).

Jérôme Attal – 37, étoiles filantes – Robert Laffont – 312p

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