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LES LECTURES DU MOUTON
19 août 2016

« Les contes défaits » d’Oscar Lalo

Premier roman

Coup de coeur - rentrée littéraire 2016

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« Parfois, il fermait les rideaux. Nous n’avions pas sommeil. Puis il nous demandait de fermer les yeux sous peine d’être changés de compartiment. Que pouvait-il donc se passer dans les autres compartiments pour que le fait d’y être déplacé devînt une punition ? Ne le sachant pas, nous fermions les yeux. Les moniteurs aussi. Ils n’ont jamais rien dit. S’ils avaient pu fermer leurs oreilles, ils l’auraient fait. Car quand l’homme pénétrait, le moniteur ne dormait pas mais lui assurait que nous dormions tous. Ils échangeaient quelques mots. Nous écoutions en fermant nos yeux encore plus fort. Parfois, la main de l’homme s’appropriait l’un d’entre nous en lui caressant les cheveux, l’épaule ou la jambe. Sensation d’isolement quand cela se produisait. Nous nous demandions où était son autre main. Nous nous demandions où était celle de notre mère ».

Ce premier roman est une véritable claque !

Un homme de 65 ans raconte ses vacances pendant son enfance en colonie de vacances. Alors que le départ en colonie doit être une source de bonheur, ces longues années et ces nombreux départs vont à jamais marquer le narrateur. Le centre de vacances, le mal-nommé « home » tellement les enfants y sont en insécurité, est géré d’une main de fer par la directrice, une femme dure, effrayante qui mène les enfants à la baguette. Etre malade, ne pas manger, se salir deviennent des sources d’angoisse car synonymes de punition. Son mari, est plus gentil avec eux… trop gentil… les enfants subissent les caresses et davantage de l’homme. Personne ne dit rien ou si peu… les parents ne voient rien ou ne veulent pas voir peut-être… le narrateur est très critique sur les parents.

 Le roman est construit en quatre parties qui sont autant d’étapes dans la vie du narrateur. La première partie est « le train ». C’est le départ en colonie, quand on quitte avec angoisse ses parents car on sait ce qu’il va se passer dans les heures qui viennent. L’omerta règne, même parmi les enfants. L’auteur distille des éléments pouvant faire penser à un train de déportation, les enfants jouant parfois le rôle de kapo avec les nouveaux, face à l’homme. Ces passages sont éminemment dérangeants et mettent mal à l’aise. La seconde partie est la vie dans « le home » : le rôle ambigu du couple infernal que sont la directrice et l’homme. La troisième partie est « le puzzle ». Nous retrouvons le narrateur à 65 ans, écrivant son journal. Il souhaite mettre un terme à ses années de souffrance. Il se décide à aller voir la directrice dans sa maison de retraite pour comprendre l’incompréhensible. La dernière partie est « le coma », ce que le narrateur appelle « sortir de l’aquarium ». C’est la phase de reconstruction, de résilience, du moins la tentative.

Oscar Lalo signe un premier roman magistral, poignant, révoltant. Certains passages sont difficiles à lire. Le récit est parfois dérangeant voir un peu malsain dans l’approche parfois faite des différents événements mais ces passages appuient la violence des faits et les séquelles psychologiques du narrateur.

Il ne fait aucun doute pour moi que ces « contes défaits » sont un poids lourd de cette rentrée littéraire chez Belfond. Je remercie d’ailleurs l’éditeur et Netgalley pour cette lecture en avant-première.

 

Oscar Lalo – Les contes défaits – Belfond – 224p.

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Commentaires
A
Je suis en pleine lecture et je partage ton avis. Je ne suis même pas sûre de trouver, comme tu as les faire, les mots pour décrire ce livre...
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L
Choix conforté par ta chronique. Il a l'air d'être aussi dur que "Personne n'est venu" de Robbie Garner mais qui est biographique pour le coup...
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