Premier roman
« Je me suis accoudée au comptoir pour attirer l’attention de l’employé. M. Petrovic me connaissait et il savait ce que je voulais, mais aujourd’hui, son sourire ressemblait davantage à une grimace.
‘’ Tu veux des cigarettes serbes ou croates ? ‘’ La façon dont il avait prononcé les mots serbes et croates n’était pas naturelle. Aux informations, j’avais entendu parler des deux nationalités de cette manière à cause des combats dans les villages, mais je n’y avais encore jamais été confrontée personnellement. Et je ne voulais pas me tromper de cigarettes.
‘’ Est-ce que je pourrais avoir celles que je prends d’habitude, s’il vous plaît ?
- Serbes ou croates ?
- Vous avez, le paquet doré.’’
J’ai essayé de les retrouver dans son bazar, pointant du doigt l’étagère derrière lui. Mais il s’est contenté de rire avant de faire un signe au client suivant, qui m’a souri avec mépris. »
Ana Juric est une jeune croate de dix ans. Elle vit dans la banlieue de Zagreb, entourée de ses parents et de sa sœur Rahela, et passe son temps à jouer au Trg (la « place » en croate) avec son ami Luka. Mais, nous sommes en 1991 : la guerre éclate entre les Croates et les Serbes. Au retour d’une expédition en Bosnie pour déposer sa sœur atteinte d’une insuffisance rénale sérieuse, Anna et ses parents sont arrêtés par une milice serbe. Les parents sont fusillés et Ana y échappe de peu. Cet événement traumatisant met fin à la première partie de ce roman.
Les parties suivantes racontent le quotidien d’Ana, devenue adulte, aux Etats-Unis où elle a été adoptée avec sa sœur. Elle témoigne à l’ONU de son passé d’enfant-soldat mais la blessure reste trop importante pour mener une vie paisible. Elle décide de retourner en Croatie afin de tenter de trouver des réponses à ses questions et angoisses.
Sara Novic livre un premier roman fort où la guerre et ses conséquences psychologiques sont analysées à travers les yeux de l’enfant puis de l’adulte. Comme bien souvent dans les traumatismes de guerre, le processus de résilience passe par le retour à l’origine du mal. L’auteure offre aussi un portrait saisissant des enfants devenus soldats pour survivre : ces passages sont selon moi les plus forts du livre.
Une belle découverte, je vous le conseille. Merci aux éditions Fayard et à Netgalley pour cette lecture.
Sara Novic – La jeune fille et la guerre – Fayard – 320p.