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LES LECTURES DU MOUTON
18 août 2016

« Les mains lâchées » d’Anaïs Llobet

Premier roman

Coup de coeur - rentrée littéraire 2016

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« Il faudrait des tribunaux internationaux pour juger ceux qui n’ont pas su nous protéger de ce raz-de-marée pourtant si prévisible. Je voudrais les mettre sur le banc des accusés, leur demander pourquoi ils n’ont pas su traduire deux mots sui auraient pu sauver tant de vies. Leur crier que c’est leur faute si Jan a disparu, leur faute si Rodjun… et soudain je me souviens de cette petite main que j’ai lâchée. De ce cri d’enfant qui se fait avaler tout seul au milieu d’un immense marécage plein de serpents. Je me dis que je ne suis pas belle à voir, qu’il y a des choses que, à moi, aussi, on ne saurait pardonner si j’étais sur le banc des accusés. 

J’arrache un morceau d’écorce au ficus ; sa peau toute douce est encore gorgée de sève, pleine de vie. En contrebas de la colline, de lourdes vagues s’abattent dans un ruminement constant. Le silence des hommes me fait frissonner ; il n’y a que la mer qui parle encore à Tacloban.»

Quand on découvre un premier roman – et j’en lis beaucoup – on ne sait jamais ce qui va nous tomber dessus : déception, surprise, émerveillement ?

Avec Les mains lâchées, on touche le superbe. Et pourtant quel choc ! C’est le choc des éléments qui se déchaînent, le choc de la confrontation à la mort et à la destruction, le choc des émotions.

8 novembre 2013, Madel, une journaliste française travaillant pour la télévision philippine se retrouve en plein milieu du typhon Haiyan/Yolanda à Tacloban sur l’île Leyte. La violence est telle que la ville est complètement rasée, engendrant des milliers de morts et la désolation la plus totale. Mabel, ayant perdu la trace de son compagnon Jan et de l’enfant qu’elle protégeait, doit faire face à cette catastrophe devenue humanitaire. Elle est ainsi confrontée aux dysfonctionnements de communication avec Manille, à des médias occidentaux qui minimisent les dégâts puis sont à la recherche du moindre témoignage sordide. Elle découvre la vulnérabilité mais aussi la force de ces habitants qui ont tout perdu.

Anaïs Llobet, avec une écriture sublime, pudeur et force, nous livre un roman d’une incroyable beauté et profondeur. On suit avec intérêt et empathie l’héroïne qui combat à la fois ses propres sentiments, craintes et peurs mais les affronte, non sans difficultés parfois, pour aider la population et faire écho de la catastrophe à l’étranger.

Les personnages secondaires sont tout aussi forts et bien brossés par l’auteure, que ce soit Liliana qui a perdu sa fille Shoshanna ou son frère pompier, le médecin David, l’enfant Jirug, Irene, Teresa… Le récit de Mabel s’interrompt à plusieurs reprises pour laisser un habitant raconter son ressenti de la catastrophe et on y trouve des passages poignants et sublimes.

Bien évidemment, quand on apprend qu’Anaïs Llobet était présente aux Philippines pendant le typhon, on comprend comment tous ces personnages sont criants de vérité mais il fallait aussi du talent pour réussir à retranscrire les émotions, décrire avec minutie et sensibilité ce qui est inimaginable. Anaïs Llobet a ce talent et elle a su faire de ce drame un roman magnifique dont elle peut être fière.

J’en profite pour signaler que la couverture faite par les éditions Plon est superbe et reflète tellement bien l’ambiance du livre.

Ne passez pas à côté de ce roman ! 

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Anaïs Llobet – Les mains lâchées – Plon – 150p.

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Commentaires
E
Je suis totalement d'accord avec ton avis ! Un premier roman vraiment réussi et une auteur à suivre ! :)
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L
Oui exactement ça, une écriture pudique et forte, un très joli mélange !
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E
une très belle réussite!
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L
Et tu en parles superbement bien au point de susciter mon intérêt pour ce livre qui n'est pas dans ma liste. Un thème et une réalité qui semblent si dur j'hésite encore à la mettre sur ma liste pour cette seule raison.
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