« Crève, mon amour » d’Ariana Harwicz
« Ce qui me sauve ce soir et tous les autres n’a rien à avoir avec l’amour de mon homme et mon fils. Ce qui me sauve c’est l’œil doré du cerf encore et toujours posé sur moi ».
Dérangé et dérangeant. Sauvage comme ce cerf ensanglanté sur la couverture.
Crève, mon amour est l’histoire d’une femme devenue mère depuis peu. Une femme qui ne parvient pas à trouver sa place entre les injonctions sociales liées à sa nouvelle maternité et ses pulsions animales, ses désirs de femme. Elle fuit ces injonctions en se reconnectant à la nature, en faisant la « connaissance d’un cerf ». La forêt et l’animal représentent le paradis perdu, l’espace à reconquérir.
La langue cash ne nous quitte pas tout le long du roman. Elle est au service du sentiment d’aliénation de la narratrice, de ses idées noires et de ses actes morbides.
Nous sommes plongés dans les flots de ses pensées fulgurantes et de sa frénésie de vie. Parce que derrière ce monologue abrupt, truffé de scènes hallucinantes et hallucinatoires – au point où nous ne savons plus ce qui relève de la réalité ou du fantasme – il y a une rage de vivre. Si elle se considère comme morte, elle a pourtant ce feu sacré, cette volonté de se libérer des chaînes qui l’emprisonnent, des pressions sociales et familiales. Dans son esprit, la grande faucheuse côtoie la petite mort. Et tant pis si elle passe pour une folle, pour une malade bonne à interner.
Un roman comme un rite de passage. Un long cri sauvage, bestial qui déplaira à certains mais que j’ai trouvé personnellement réjouissant. Mon côté sauvage peut-être 😉
Ariana Harwicz – Crève, mon amour – Seuil – 210p (traduction d’Isabelle Gugnon).