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LES LECTURES DU MOUTON
5 juillet 2020

« Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » de Mathias Énard

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« Alors tu souffres, perdu dans un crépuscule infini, un pied dans le jour et l’autre dans la nuit ».

Un conte au lyrisme envoûtant qui s’ouvre sur la parole d’une jeune femme. La volupté est là, dans un recoin de Constantinople. Ses paroles s’adressent à un homme que le lecteur découvre avec surprise être Michel-Ange.

Pourquoi pose-t-il les pieds à Constantinople un jour de mai 1506 ? Une invitation du sultan Bajazet pour un grand projet : la construction d’un pont sur la Corne d’Or. Il reprend le flambeau après Léonard de Vinci, sans trop savoir s’il réussira là où son aîné a échoué.

Pendant son temps libre, le poète Mesihi de Pristina lui fait découvrir les splendeurs de la ville… et des nuits. C’est là que notre danseuse fait son apparition. Une danseuse qui a l’art de bien cerner ce Michel-Ange.

Si le lecteur devine un roman qui symbolise, par ce projet, un pont culturel entre l’Orient et l’Occident, j’ai davantage appréhendé ce texte comme le récit d’un homme qui fuit sa vie, d’un artiste qui tourne en rond, qui subit des pressions politiques, qui attend l’argent du pape Jules II pour vivre – cet argent que les lettres adressées à son frère évoquent bien souvent. Michel-Ange, le bosseur au pied du mur - déjà l’artiste du David, pas encore celui de la chapelle Sixtine - qui accepte un projet pour se donner un nouvel élan. Un artiste qui se gorge de la beauté de Constantinople, qui se laisse aller, sans se douter que cette langueur lui sera bénéfique.

Mathias Énard ne livre cependant pas un Orient idéalisé. Non, les tensions sont bien présentes, la violence sous-jacente. La fin du roman met en avant ces aspects derrière la beauté et la volupté. Mais, par son récit, l’auteur montre surtout en quoi la découverte d’un monde différent peut aider à la création, peut révéler l’art qui sommeille en l’Homme. Alors peut-être que oui, après tout, il s’agit bien d’une histoire de pont.

Si rien n’atteste un voyage de Michel-Ange à Constantinople, l’auteur a su utiliser des faits réels pour construire son histoire. Réalité et fiction, deux rives reliées par l’écriture.

Mathias Énard – Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants – Actes Sud/Babel – 170p

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