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LES LECTURES DU MOUTON
16 septembre 2019

« Les fillettes » de Clarisse Gorokhoff

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« L’enfance est irréparable. Voilà pourquoi, à peine advenue, nous la poussons gentiment dans les abîmes de l’oubli. Mais elle nous court après – petit chien fébrile – et nous poursuit jusqu’à la tombe. Comment peut-on en garder si peu de souvenirs quand elle s’acharne à laisser tant de traces ? »

Que garde-t-on de l’enfance ? Les sourires, les rires, les glaces qui fondent au soleil ? Ou alors des remarques blessantes comme « Ta mère, elle est bizarre d’abord », une mère aimante mais complètement à côté de sa vie ? Comment vit-on l’amour d’une mère qui n’est pas heureuse ?  Clarisse Gorokhoff livre la part sombre de l’enfance, celle qui se cache derrière l’insouciance pas si insouciante des petites filles.

Rebecca a trente-trois ans en ce milieu des années 90, l’âge du Christ en croix. Elle a un homme qui l’aime, Anton, et trois merveilleuses petites filles : Justine, Laurette et Ninon. Mais Rebecca lutte depuis de nombreuses années contre des démons, l’addiction à l’alcool et les gélules de Néo-codion. Ce médicament antitussif à la codéine se transforme en morphine dans le foie. Rebecca plonge littéralement dans les bras de Morphée, un sommeil artificiel où les rêves sont des cauchemars, à moins que ce soit le réveil. Elle lutte pourtant et essaie d’exorciser le mal en écrivant. Le roman est d’ailleurs ponctué par des passages écrits par Rebecca où elle expose son amour pour ses filles mais aussi sa difficulté d’être. Les fillettes font comme elles peuvent, parfois sans se rendre compte véritablement de l’état de leur mère. Elles sont épaulées par leur père impuissant face à la déchéance de sa femme.

Peut-on aimer une fêlure ? Peut-on vivre avec une fêlure ? Ces questions me sont revenues sans cesse à la lecture de ce troisième roman de l’autrice. C’est un livre sur la transmission, le lien filial, le deuil. Il est raconté avec une grande sincérité, servi par une écriture juste qui tend à rendre avec le plus de fidélité possible les sentiments de chaque personnage. Un livre que l’autrice porte en elle sûrement depuis longtemps, un livre où l’écriture serait un lien qui permet de garder ses morts près de soi.

Clarisse Gorokhoff – Les fillettes – Editions des Equateurs – 250p

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