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LES LECTURES DU MOUTON
10 septembre 2019

« Onanisme » de Justine Bo

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« Cette nuit, je rejoins le bunker. Pas un corps sur la crique. Demain, on brûle Saïd. À mesure que je vais et viens, la mer grandit et rapetisse. Jouir jusqu’à tout vivre. Jusqu’à tout mourir. Tout aimer. Tout haïr. Jouir en naufrage. Sentir la houle du navire conquérant et le désastre de la noyade. Jouir à tout accepter. À tout renoncer. Jouir à ne plus jouir. Jouir à ne plus rien ».

Cerbère, ville des Pyrénées-Orientales. Cerbère, ville qui porte si bien son nom. Tout n’est que chaleur et enfer. Cerbère, une ville en ébullition après la victoire de la France à la Coupe du monde 2018. Une ville en liesse, une ville qui, comme dans le reste de la France, fait croire que toutes les barrières tombent. Un leurre.

Nour sait très bien que cette fête n’est qu’une mascarade. Elle a vingt ans, elle est née avec la précédente victoire en 1998. La France qui communie, la France unie blancs-blacks-beurs : une France qui n’a jamais vraiment existé. Tout au long de sa vie, la société a sombré dans ses petitesses, dans ses violences, dans ses idées rances, dans sa médiocrité banalisée. Nour est le fruit de cette déliquescence. Elle n’attend rien de sa vie entre son job au Mc Do et ses tentatives pour récupérer ses indemnités chômage chez Pôle Emploi. Même l’amour ne semble pas avoir sa place. La seule chose qui la fasse vibrer, c’est la jouissance. Elle se rend régulièrement dans un bunker où elle se masturbe, où elle assouvit les fantasmes et désirs que la vie lui refuse.

C’est dans ce bunker qu’elle découvre une arme, un Manurhin MR73. Cette découverte coïncide avec le décès de son père Saïd. Le cocktail fait exploser sa tête. Elle garde l’arme avec elle, collée à sa cheville. Alors qu’elle perd un à un ses repères, alors que la violence de son monde se fait de plus en plus oppressante, que peut-elle espérer de ce flingue ?

Justine Bo livre un roman osé, sans concessions sur une jeunesse désenchantée et une société d’une grande violence. J’en suis sortie un peu hébétée, comme prise d’une brutale insolation à côtoyer de si près l’enfer qui règne autour de Nour. Justine Bo a une voix singulière, forte, qui ne plaira pas à tout le monde mais que je trouve assez remarquable.

Justine Bo – Onanisme – Grasset – 280p

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