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LES LECTURES DU MOUTON
30 août 2019

« Baïkonour » d’Odile d’Oultremont

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« La surface de l’océan danse comme une ballerine. Après toutes ces années, Anka est devenue, à force d’observation et de toute son attention, la spécialiste de ses chorégraphies. La mer, comme les artistes, a ses périodes : son talent et sa virtuosité se situent au point de convergence entre la puissance des flots et leur lyrisme ; l’un prenant le pas sur l’autre au fil des jours. Avant, il lui arrivait, c’était assez fréquent, de passer de longs moments assise face au colosse et dans cette position du lotus, les fesses moulées dans le sable humide, elle s’adressait à l’abîme comme on alpague un ami, lui parlait, attendait par endroits une réponse qu’elle était persuadée la plupart du temps de recevoir. Elle dénichait sans cesse, dans les infinies manifestations du flux aquatique de quoi tranquilliser ses tourments ».

Certains s’évadent sur l’océan à bord d’un bateau, d’autres dans les airs en haut d’une grue. Un même ressort, une même envie : fuir la réalité d’un monde difficile à vivre, souvent cruel. Fuir l’absurdité d’une existence à laquelle on tente de donner un sens en se rapprochant de l’essentiel, là où il y a du beau.

Vladimir a payé au prix fort cette quête de liberté et de sens en périssant à bord du Baïkonour. Sa veuve, Édith, vit le deuil en faisant tous les jours de la soupe aux marins, telle une Pénélope qui s’occupe inlassablement en attendant le retour de son époux : « Je me comporterai en veuve quand je l’aurai vu mort, d’ici là je suis encore sa femme ». Leur fille Anka est traversée par des sentiments contradictoires : elle haït l’océan qui lui a pris son père mais ne peut s’empêcher de vouloir rejoindre cette vaste étendue, quitter cette vie terne qu’elle passe dans ce village breton de Kerlé en travaillant dans le salon de coiffure de Line. Anka porte un beau prénom qui signifie la grâce et c’est probablement la grâce qui la touche quand un homme lui tombe du ciel. Marcus est grutier. Après une enfance compliquée, il fuit son père Bernard, un père démissionnaire, qui vit aux crochets de la société ; un homme qui à sa façon ne sait pas non plus comment faire face à un monde qui l’effraie. Marcus accepte ce chantier près du port où il remarque Anka. Il la suit dans ses activités quotidiennes à travers ses jumelles. Un événement, stupide, les rapproche de fait. Anka tombe amoureuse malgré elle, malgré l’absurdité – une fois de plus – de la situation. Et c’est progressivement que les différents personnages de ce roman se révèlent, montrent leurs forces face à l’adversité. Pour les accompagner, Odile d’Oultremont leur livre une écriture merveilleuse, affinée depuis son premier roman, où nous sommes bercés d’une poésie qui revient sans cesse comme les vagues dans l’océan. Elle nous rend ses personnages attachants dans leurs désarrois, leurs doutes et surtout leurs capacités de résilience. Anka, le personnage principal symbolise à merveille l’idée d’un phénix qui renait de ses cendres. Dans les légendes arabo-musulmanes, le phénix est d’ailleurs un anka ; il y a des hasards…

Odile d’Oultremont – Baïkonour – éditions de l’Observatoire – 220p

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