En prose et en vers – Ma participation à l’atelier d’écriture #233 de Leiloona (Bricabook)
Leiloona organise chaque semaine des ateliers d'écriture. Tous les mardi/mercredi, elle met en ligne sur son blog une photo qui doit permettre d'éveiller l'imagination et mettre ainsi en place un processus d'écriture. Les participants doivent ensuite fournir un texte le dimanche soir qui suit. Le lundi matin, Leiloona les publie ou met les liens des différentes participations.
©Leiloona
En prose
Le soleil d’août frappe la tour et transperce la fenêtre. Il illumine majestueusement ce lieu dévasté, lui conférant une beauté brute. Bien qu’en rénovation, le château regorge encore d’espaces comme celui-ci : ravagés, abîmés. Ce lieu je l’aime car il a tant vécu. Son passé, son histoire l’a érodé comme le vent érode la montagne et la vie l’Homme.
Un peu fatiguée et surtout étourdie par l’escalier en colimaçon, je m’arrête un instant et je m’assieds sur les pierres. Malgré l’éblouissement, je regarde par la fenêtre et m’abandonne aux rêveries. Combien de personnes ont fait de même depuis des siècles ? Combien de yeux se sont posés sur la forêt qui entoure le domaine, ont rêvé ? Les propriétaires venaient-ils ici admirer la beauté périgourdine ou prosaïquement l’étendue de leur pouvoir ? Dame Jeanne y pleurait-elle son amour parti en guerre ou sa liberté volée par un mariage arrangé ? La servante Manon tentait-elle d’y oublier ses labeurs ou pensait-elle à l’héritier du lieu qu’elle n’aurait jamais pu avoir ? Et moi, que viens-je y faire au fond ? Que cherche-je à cacher ou à oublier ?
Pas le temps de trouver les réponses à mes questions : des bruits se font entendre dans l’escalier. D’autres visiteurs s’approchent pour jouir à leur tour de cette fenêtre, de cette lumière. Je me relève, les laisse prendre possession du lieu. Ils prennent des photos, commentent à haute voix la vue, touchent et s’appuient sans ménagement sur les murs. J’ai l’impression d’une profanation bien que cette pensée soit ridicule. Voilà qu’ils sortent la perche à selfies, la goutte d’eau qui fait déborder mon vase – je me retire.
En redescendant les escaliers, je comprends finalement, ce que j’ai tenté, l’espace d’un instant, de faire : échapper à mes contemporains, fuir le monde auquel j’appartiens. Je me suis créée une petite bulle de liberté dans un monde qui m’indispose. Parfois, la prison est à l’extérieur des fenêtres ou du pont-levis.
En vers
Prisonnière de ma tour de Babel,
J’ai encore un sursaut fraternel,
Pour implorer une fois de plus le ciel
De m’aider à comprendre ce fiel.
Je vis dans un monde de dilemmes,
Où tout discours jette l’anathème.
J’ai beau crier au problème,
Plus personne ne dit « je t’aime ».
Bien que mon âme s’ankylose,
Personne ne soigne mes ecchymoses,
Dans ce monde qui m’indispose,
Mon cœur devient porte close.
©Virginie Vertigo
Avant d’écrire ces textes, la photographie a suscité mon envie de réécouter deux chansons : Tournent les violons de Jean-Jacques Goldman et Jeanne de Laurent Voulzy. Les deux personnages féminins de la rêverie portent les prénoms des héroïnes de ces chansons.