« Un homme à sa fenêtre » de David Thomas
« Lors de ces quelques secondes on ne peut mentir à personne, on est là dans le noyau, l’atome de ce que l’on est, on ne peut pas contrôler ça, comme lorsque l’on éternue ou que l’on chute. S’expose alors la plus pure révélation à soi. C’est uniquement ce visage-là qui m’intéresse chez les autres. J’aimerais avoir accès à ce visage-là. Parce qu’on n’est jamais autant soi-même qu’avec le visage que l’on prend quand on jouit ».
J’ai découvert David Thomas l’été dernier avec son recueil de microfictions Le poids du monde est amour. Il lançait un regard aiguisé, souvent drôle, tendre ou caustique sur l’amour.
Dans Un homme à sa fenêtre – que je vois comme l’auteur observant son monde pour mieux l’écrire – David Thomas renoue avec ce genre littéraire si peu mis en avant et pourtant si beau et difficile. Il faut indéniablement du talent pour concentrer en quelques lignes toute une histoire, tout un monde et lui donner un poids, une résonance une fois le point final posé. Du talent, David Thomas n’en manque absolument pas ; son sens de l’observation et sa maîtrise parfaite de la microfiction font de lui un auteur qui fait mouche.
Souvent, toute la force d’un récit réside dans sa dernière phrase, dans sa chute qui lui donne tout son sens. Je pense notamment à Longue peine, Tout ça pour ça, L’atome de ce que l’on est.
Le lecteur oscille sans cesse entre le comique et le tragique et souvent dans le même texte. Nous sommes au théâtre de la vie et David Thomas, tel un metteur en scène, nous donne à voir ce que l’on ne prend pas le temps de regarder, d’appréhender ou de façon superficielle. Il a le don de retourner une situation en un claquement de doigts. Le lecteur prend un virage à 180 degrés, ressort secoué mais ébahi par tant de virtuosité (je pense notamment à Entretien d’embauche).
Les thèmes sont variés même si l’on retrouve souvent la désillusion ou encore le couple. Cependant, le sujet le plus récurrent est celui de l’auteur face à l’écriture. Comment l’auteur est perçu par son entourage ? Comment vivre l’attente de quelque chose, les désillusions du monde de l’édition ? Parce qu’il n’a pas la réponse, il continue de faire. Parce que c’est nécessaire. Tant pis si personne ne l’attend peut-être. Moi, en tout cas, je vous attends de nouveau David Thomas.
David Thomas – Un homme à sa fenêtre – éditions Anne Carrière – 205p