« Ne préfère pas le sang à l’eau » de Céline Lapertot
« L’eau, ce ruisseau indispensable au paisible écoulement de nos jours. L’eau, ce diamant précieux et vital, qu’on s’arrache des mains comme des chiffonniers. On fait bêtement couler le sang pour ce qui relie la totalité de l’humanité. Ce trésor qui nous abreuve et qui nous lave, cette eau qu’on laisse couler sous la douche quand on se perd dans nos pensées, on chie dedans quand d’autres sont à genoux pour lécher le fond des mares. Ils se prosternent devant leurs trois ou quatre gouttes de pluie, quelques fois dans l’année. Papa m’avait dit, quand nous sommes arrivés : ‘’Ne préfère pas le sang à l’eau. La vie, c’est gratuit. Ne fais pas couler le sang pour ce qui appartient à l’humanité’’ ».
Certains romans sont de véritables uppercuts parce que l’histoire est forte et parce que le style sert merveilleusement le fond. Ne préfère pas le sang à l’eau est un roman de cette trempe. Il vous prend en otage, vous travaille, vous laboure le ventre et le cœur tout en vous émerveillant et on se dit que oui c’est à ça que sert la littérature, c’est pour ça qu’on lit. Pour être remué, chamboulé.
Nous suivons deux récits parallèles dans un pays imaginaire appelé Cartimandua. Ce petit pays possède un immense trésor : une gigantesque citerne d’eau. Alors que la sécheresse sévit dans les pays voisins, Cartimandua est l’image de l’Eldorado. Bientôt, des populations comme les « nez verts » quittent leurs pays pour vivre là où l’on peut étancher sa soif. Evidemment, quand on a un privilège on est peu partageur. Les habitants voient d’un très mauvais œil l’arrivée de ces migrants de la soif. Quand la canicule finit par s’installer aussi à Cartimandua, les protestations et les remarques racistes se multiplient. Les « nez verts » sont devenus des nuisibles. La folie s’empare des Hommes et un régime autoritaire voit le jour. Heureusement, certains n’acceptent pas cette situation et entrent en résistance. Mais, un jour, une catastrophe monumentale a lieu…
Comment ne pas voir à travers cette histoire le roman de notre présent et certainement de notre futur ? Céline Lapertot nous tend un miroir bien peu flatteur de notre monde égoïste, qui se replie, qui voit chaque migrant de la Méditerranée comme un pilleur. Et pourtant, ces migrations vont se multiplier dans les décennies à venir avec les catastrophes climatiques qu’on ne veut pas voir.
Comment ne pas tomber amoureux de cette écriture incisive, percutante tout en étant poétique ? Je ne compte plus les passages sublimes, les pages cornées. Les personnages sont très bien brossés. On vit les événements avec eux, on désespère et espère avec eux. Ils sont là bien réels pour moi, faits de chair, de sang, d’eau…
Un très très grand roman de cette rentrée littéraire. Ne passez pas à côté !!!
Céline Lapertot – Ne préfère pas le sang à l’eau – Viviane Hamy – 144p
Une lecture faite en commun avec la belle Amandine de L'ivresse littéraire qui a adoré aussi ce roman, "magnifique plaidoyer pour la démocratie, pour la vie et pour la liberté, l’égalité, la fraternité" :
Ne préfère pas le sang à l'eau de Céline Lapertot paru aux éditions Viviane Hamy est une énorme gifle, de lutte, de prise de conscience, d'engagement.
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