« Rouge armé » de Maxime Gillio
« La curiosité du journaliste est un très vilain défaut, surtout quand votre instinct vous souffle que vous tenez un sujet brûlant pour une enquête. J’ai trouvé cette histoire d’archives détruites passionnante. Qu’avaient donc ordonné les dirigeants de l’époque, pour qu’on veuille faire disparaître toutes ces preuves dans une si grande précipitation ? Combien de secrets d’État honteux voulait-on cacher ? J’ai décidé d’enquêter. C’est notre histoire. C’est l’histoire de chaque famille allemande, et à travers elle, celle de notre pays. Il nous faut savoir. C’est mon rôle que de contribuer à ce que la vérité soit connue de tous, même si ce n’est pas simple. À force d’opiniâtreté, j’ai réussi à recomposer partiellement un dossier. Le vôtre, Inge Oelze. C’était comme une loterie, ça aurait pu être n’importe qui d’autre, mais le hasard m’a fait tomber sur vous… »
Année 2006. Patricia Sammer, journaliste au Spiegel, enquête sur les personnes ayant fui l’Allemagne de l’Est dans les années soixante. Ses recherches l’amènent sur la piste d’Inge. Cette dernière a passé le Mur pour se rendre à l’Ouest elle mais est revenue à l’Est quelques années plus tard. Pourquoi cette fuite et surtout pourquoi ce retour ?
La relation entre les deux femmes commence mal mais, au fur et à mesure, Inge se dévoile et détaille un destin extraordinaire qui commence bien avant sa naissance.
Maxime Gillio, à travers un récit où on navigue sans cesse entre la Seconde Guerre mondiale, les années 70 et les années 2000, nous fait (re)découvrir tout un pan de l’histoire allemande : le nazisme, le sort des Sudètes, la construction du Mur, la Stasi, la fraction armée rouge (avec la bande à Baader en « première génération »), les Ostalgiques (nostalgiques de la RDA). Il est clair que le travail de documentation est important. Mais, au-delà de la narration historique, l’auteur a su construire des personnages d’une grande complexité psychologiques. Les femmes sont des personnages forts et fragiles à la fois, à l’instar de Patricia qui est alcoolique et consomme les hommes, d’Inge qui est troublée, marquée par ses origines familiales ou encore d’Anna, la mère d’Inge, qui a vécu le pire.
J’ai été happée par l’histoire, par la façon dont Maxime Gillio déroule sa trame. Même si on devine progressivement la fin (du moins en partie), l’ensemble est bien huilé et efficace. Voilà un beau roman noir, politique et historique qui fait plaisir à lire.
Maxime Gillio – Rouge armé – Ombres noires – 350p