« La téméraire » de Marie Westphal
Tout commence par la description d’une maison puis d’un salon. Enfin, une femme apparaît à côté d’un lit médicalisé où git un homme, son homme. Nous entrons ainsi dans l’univers de Sali et Bartolomeo de « l’après », l’après de l’événement qui a bouleversé leur vie. Alors qu’il était en repérage sur des sentiers de randonnées dans les Pyrénées, Bartolomeo s’écroule victime d’un AVC. Trente-six années de vie commune sont comme rayées de la carte en l’espace de quelques secondes. Bartolomeo est dans un état végétatif. Cependant, Sali le veille, l’accompagne avec une détermination muette et surtout la force de son amour. La seule présence qui vient troubler cette communion est celle de l’infirmière Olga Veranos. Cette femme d’origine espagnole est un roc et un soutien moral à sa façon pour Sali en l’empêchant de s’oublier. Cette situation dramatique fait émerger les souvenirs chez toute la famille : Sali se remémore sa rencontre à dix-sept avec son mari, la fille Maïa tente d’oublier en multipliant les aventures, le fils Gabin est troublé par la ressemblance avec son père et le poids de cet héritage. Sali décide cependant que son Lo Méo doit avoir une fin de vie digne de ce nom et prend une décision risquée mais dictée par l’amour et par la passion de son mari pour la nature.
La téméraire est le premier roman d’une jeune femme infirmière. Malgré sa brièveté, l’auteur parvient à faire un récit profond, bouleversant et éminemment poétique. Si le début m’a un peu déconcertée, le roman a pris toute son ampleur avec l’arrivée des enfants dans le récit et surtout cette décision d’amour de la part de la téméraire Sali. C’est aussi une belle ode au souvenir, à la mémoire des personnes que l’on aime mais qui ne sont plus là, physiquement ou mentalement. C’est aussi un bel hommage aux accompagnants qui, en plus de veiller leurs malades, mettent leur vie en parenthèse par nécessité et amour.
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Et parce que deux avis valent mieux qu’un, voici celui d’Eirenamg :
Ce premier roman est étonnant, original, le début est plutôt sombre, triste. Le lecteur arrive à un moment de bascule dans la vie d’une famille, Sali follement amoureuse de Lo méo depuis trente-six ans, le veille à la suite d’un accident cérébral. Elle ne le reconnait plus en lui le grand gaillard, fan de nature, son double depuis tant d’années étendu sur son lit. Face à lui, elle se rappelle leurs rencontres, combats, amours. On a aussi les répercussions de cet accident sur leurs deux enfants Maia et Gabin
Ce roman est avant tout un beau roman d’amour, au-delà de la maladie, le souvenir, la force qui unit cette famille transparait à travers l’écriture poétique et réaliste de l’auteur. Il y a des phrases magnifiques sur le couple dans ce livre.
« Le bien et le mal n’avaient plus lieu d’être. L’amour engloutissait tout, empêchait la raison de reprendre le dessus. L’amour : je l’imagine en escalier biscornu, dont les marches parfois se dérobent, il faut continuer d’avancer, accepter d’être aveugles, guidés par autre chose que la lumière. De l’extérieur, ça parait fou. Mais c’est ce qu’on dit de tout ce qu’on ne contrôle pas. »
« Ne te courbe que pour aimer »
« Il est dans la nature une poésie subtile, et flagrante, pourtant si peu ont la volonté de s’y plonger corps et âme ».
Des petits moments suspendus, après un début sombre, le récit gagne en lumière et on tourne les pages avidement pour accompagner les personnages. Les descriptions de la nature sont aussi très belles, des endroits qu’aiment Lo Méo, sur le vent. Une manière particulière de brosser le décor avec le Goliath le fauteuil dans le salon de la famille. Les personnages secondaires comme Olga l’infirmière espagnole, l’ami de la jeune femme Maia nous immerge totalement dans l’histoire. Outre le bouleversement de la maladie c’est surtout une ode à la vie, aux souvenirs, à la persistance des liens malgré les épreuves. L’auteur n’élude pas la difficulté pour la famille face à cette nouvelle situation, ce sentiment d’abandon, d’espoir mêle parfois de rage, d’impuissance. Elle personnifie la maladie, ses ravages de manière précise.
Les personnages sont vibrants, complexes et attachants que ce soit Sali l’amoureuse, Lo Méo pilier de la famille, Maia et sa fragilité amoureuse, Gabin qui ne veut pas perdre ses repères et avoir une nouvelle place dans la famille. Et la fin très belle cueille le lecteur jusqu’au bout.
Belle découverte et une auteure à suivre, plongez dans la téméraire et retenez votre souffle. Un beau coup de cœur.
Marie Westphal – La téméraire – Stock – 140p