« Petit pays » de Gaël Faye
Premier roman
Coup de cœur – Rentrée littéraire 2016
« J’ai beau chercher, je ne me souviens pas du moment où l’on s’est mis à penser différemment. A considérer que, dorénavant, il y aurait nous d’un côté et, de l’autre, des ennemis, comme Francis. J’ai beau retourner mes souvenirs dans tous les sens, je ne parviens pas à me rappeler clairement l’instant om nous avons décidé de ne plus nous contenter de partager le peu que nous avions et de cesser d’avoir confiance, de voir l’autre comme un danger, de créer cette frontière invisible avec le monde extérieur en faisant de notre quartier une forteresse et de notre impasse un enclos.
Je me demande encore quand, les copains et moi, nous avons commencé à avoir peur. »
Gabriel, dit Gaby, a dix ans. Il vit à Bujumbura, la capitale du Burundi. Son père est un entrepreneur, expatrié français et sa mère une réfugiée rwandaise. Il coule des jours paisibles avec ses parents et ses amis. Il découvre la littérature grâce à Mme Economopoulos, par exemple. Mais, le climat se tend peu à peu. Ses parents se séparent et sa mère s’inquiète de plus en plus de la situation au Rwanda où est restée sa famille. Gaby découvre qu’il est Tutsi ce qui pour lui n’a pas de sens : une question de nez lui dit-on… La situation se tend au Burundi bien que les premières élections libres s’organisent pour lesquelles le Frodebu – Front pour la démocratie au Burundi – gagne. Mais, Melchior Ndadaye fait un coup d’Etat : des massacres de Tutsis par des Hutus s’organisent. La famille de Gaby va subir les conséquences de ces massacres au Burundi et au Rwanda.
Gaël Faye décrit dans son premier roman, avec une écriture à la fois fine et touchante, la beauté et la cruauté humaine et montre surtout l’adieu à l’enfance. Il serait en effet réducteur de n’y voir qu’un simple récit de la guerre au Rwanda et au Burundi. Raconter les faits à travers les yeux de Gaby enfant mais aussi adulte est une volonté de l’auteur d’exposer la brutale transition de l’insouciance au drame. La guerre est le détonateur de ce changement chez Gaby à travers trois événements marquants, trois pertes : la perte physique des êtres chers, la perte psychologique de la mère, la perte de l’innocence en tuant sous la contrainte. Un beau roman, brillant, humain, non dénué d’humour malgré le sujet qui mérite l’emballement médiatique et les prix et nominations qui pleuvent à l’image du Prix du roman Fnac.
Gaël Faye – Petit pays – Grasset – 224p.