« Beaux rivages » de Nina Bouraoui
« De toute façon, ni toi ni moi ne savons de quoi est fait l’amour, de quoi il est constitué, personne ne le sait d’ailleurs, c’est pour cette raison qu’en général il ne dure pas ; l’amour n’existe pas, c’est juste un reflet dans une flaque d’eau, un petit miracle que l’on croit entrapercevoir entre les ombres et qui disparaît dès que l’on s’en approche de trop près ; c’est ça l’amour, c’est tout et rien à la fois, il suffit juste de le savoir pour s’en protéger, pour ne pas avoir trop mal quand on tombe du manège enchanté. »
Adrian a quitté A. après huit années de relation pour une autre femme. A. n’arrive pas à s’en remettre : la séparation devient son obsession. Elle épie sa rivale sur son blog, de façon addictive, pour y déceler le moindre indice sur ce qu’elle est et sur sa relation avec Adrian. Après la sidération, le déni, l’espoir et la colère, Beaux Rivages est aussi l’histoire d’une reconstruction : une nouvelle rencontre permet d’amorcer la phase de résilience, la transition. Elle n’aboutit pas forcément à quelque chose de concret, de tangible mais elle a le mérite d’ouvrir la voie et de refermer la précédente.
Avec Beaux Rivages, Nina Bouraoui a voulu faire une radiographie d’une séparation. Ce pari est osé car très casse-gueule pour diverses raisons : la rupture amoureuse est un sujet éculé et, souvent, on patauge dans le glauque, dans le sentimentalisme mièvre et pleurnichard. Nina Bouraoui a réussi le tour de force de ne pas tomber dans ces pièges même si j’avoue que je n’ai pas forcément eu beaucoup d’empathie pour l’héroïne. On peut se reconnaître aisément dans diverses situations et la scène de dispute avec Adrian est pour moi un bon passage. Après, je n’ai jamais été très fan de ce type de sujet donc je n’ai pas plongé totalement dans le récit mais ce n’est absolument pas à cause du style – agréable – ou du traitement.
Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé le cadre temporel dans lequel s’inscrit l’histoire. L’auteure a inscrit tout le récit entre les attentats de janvier 2015 et ceux de novembre 2015. Ce choix volontaire de temporalité est sûrement une volonté de dire qu’il existe des événements beaucoup plus dramatiques qu’une rupture amoureuse mais que, pour ceux qui la vivent, elle est une catastrophe. Cet aspect me remémore un passage de la chanson Vivre ou survivre de Daniel Balavoine :
« Quand dans l’amour
Tout s’effondre,
Toute la misère du monde
N’est rien à côté d’un adieu ».
Je salue le travail de Nina Bouraoui et j’encourage tout le monde à le lire et à s’en faire son propre avis.
Nina Bouraoui – Beaux rivages – JC Lattès – 245p.