« Un instant de grâce » de Clémence Boulouque
« En réalité, dans chacun de ses rôles, elle montrait à des hommes riches, séducteurs, et surtout blasés, qu'ils avaient tout vu mais ne savaient plus voir. Elle n'était pas un démon de midi, mais une façon de les faire tomber amoureux de leur propre existence, en même temps que de ce lutin qu'elle était. Elle n'enchantait pas, elle réenchantait parce qu'elle s'y était , elle aussi, contrainte, parce qu'elle était venue après les vies cassées, parce que son regard en savait long et implorait de faire semblant, sans se mentir.»
1964, dans un hôtel de Dublin, Audrey Hepburn et son mari Mel Ferrer rejoignent Joseph, le père d'Audrey. Les retrouvailles avec ce père absent, ayant embrassé les idées fascistes durant la Seconde Guerre mondiale, sont un prétexte pour Clémence Boulouque pour sonder la vie de cette actrice mythique.
Née de parents divorcés, boulotte puis amaigrie brutalement, cette enfant rêve de devenir danseuse étoile à l'image de Margot Fonteyn. La guerre qu'elle vit aux Pays-Bas – où une autre jeune fille, Anne Franck, voit sa vie retirée par la barbarie humaine - remet tout en cause et fait naître des fêlures. Une fragilité, une mélancolie lui collent à la peau – dont elle ne se débarrassera jamais – mais aussi une force lui permettant d'affronter l'horreur en Afrique où elle est ambassadrice pour l'UNICEF pour sensibiliser l'opinion publique.
Et pourtant, que de différences avec cette image de jeune femme espiègle, mutine au cinéma, qui a obtenu un succès immédiat qu'elle a toujours pensé immérité, lui conférant humilité et exigence avec elle-même.
Un bien joli court roman, à lire absolument si vous êtes, comme moi, admirateur(trice) de cette actrice.
Clémence Boulouque – Un instant de grâce– Flammarion – 120p.