« L'été d'Agathe » de Didier Pourquery
Coup de cœur – Hiver littéraire 2016
«Tu vas bientôt mourir, Agathe, très bientôt. »
A-t-il prononcé ces mots ? Non, bien sûr. Mais je suis certain qu'après la discussion de la veille avec Dominique, Agathe a senti, dès l'entrée de Marc, que c'était le jour où il allait lui dire... Je ne sais pas ce qu'il lui a expliqué, les mots précis qu'il a employés. Je ne sais pas ce qu'elle a répondu.
J'imagine Marc, son regard, derrière les lunettes. [...]
Bon camarade aussi, attentif et bienveillant. Quand Agathe n'a pas le moral, il la rudoie un peu, tendrement.
Ce matin, il a quelque chose à lui dire.
Je ne saurai jamais l'effet exact produit par ses mots sur cette jeune femme de vingt-trois ans, endurcie par la maladie mais si fragile aussi. On lui dit qu'elle va mourir bientôt. Une condamnation. Ou plutôt un constat. Un pré-constat de décès. Tu vas mourir.
Vendredi 10 août 2007. Après vingt-trois années de lutte, Agathe cesse de respirer, emportée par la mucoviscidose.
Des années plus tard, Didier Pourquery, son père, raconte « l'été d'Agathe », ce dernier avant sa mort. Il explique le quotidien de sa fille, de l'annonce de sa mort prochaine à son dernier souffle. Mais, il narre aussi toutes les batailles, les espoirs, les peurs durant ces vingt-trois années d'existence et de lutte de sa fille : l'annonce de la maladie, le besoin de se ressourcer en famille sur l'île d'Oléron, les coups de gueule, les liens familiaux qui se resserrent et se desserrent.
L'ensemble est raconté avec pudeur mais aussi clairement, sans filtre ni masque. Le père ne cache pas non plus son envie d'être parfois loin de l'hôpital, loin de sa fille malgré tout l'amour qu'il lui porte... parce qu'il doit se ressourcer pour à nouveau l'accompagner.
J'ai été très touchée par un passage qui montre le quotidien des familles face à la maladie, à cette situation devenue si banale pour elles :
« Alex, lui, fait des mots fléchés. Je le regarde et je comprends soudain : il attend. Comme nous. C'est sa manière d'attendre. Il attend car depuis toujours, auprès d'Agathe, nous attendons. Nous attendons qu'elle aille mieux, qu'elle s'éclaire, qu'elle s'endorme, que sa quinte de toux s'achève, qu'elle se réveille de sa sieste ou de son anesthésie. Nous attendons depuis si longtemps et notre attente se conclut toujours par un sourire d'Agathe. Alors Alex fait des mots fléchés. Et je le comprends.
Moi-même j'écris des lignes sur mon carnet comme un automate. J'expédie des SMS aux amis. J'observe Agathe et j'écris ».
Un bien beau roman sur un sujet pesant.
Je remercie les éditions Grasset pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage.
Didier Pourquery – L'été d'Agathe– Grasset – 198p.