« La mort du roi Tsongor » de Laurent Gaudé
"Tu nous as offert une ville. Oui. Un massacre. Tel fut ton cadeau, Tsongor…tu le sais. Tu étais parmi nous. C’est cela que tu nous as offert. Des monstres dont les mains, à jamais, auront l’odeur épaisse du sang. Je te maudis."
Dans un monde imaginaire qu’on pourrait à la fois transposer en Afrique et dans l’Antiquité, le roi Tsongor règne à Massaba sur un royaume qu’il a obtenu par le feu et le sang. Son porteur de tabouret d’or, Katabolonga, survivant d’un peuple massacré, lui rappelle sans cesse d’où son pouvoir vient. Il est surtout la personne à qui il a promis sa mort.
Il doit marier sa fille Samilia à Kaoume mais le jour des noces, Sango Kerim, sorte de fils adoptif parti un certain temps de Massaba, revient. Il annonce au roi que Samilia lui avait promis sa main avant son départ et souhaite donc l’épouser sur le champ. Le roi meurt avant d’avoir donné une décision sur les deux jeunes hommes. Son âme erre dans le palais, en compagnie de Katabolonga, le temps d’avoir une sépulture.
À partir de ce moment-là, on suit deux chemins dans le roman. On suit d’un côté Souba, le plus jeune fils du roi, qui est chargé de construire sept tombeaux représentant les différents visages de son père et de l’autre le début d’une guerre fratricide entre Kaoume et Sango Kerim mais où les autres frères de Samilia sont aussi impliqués. De cette guerre, que personne par orgueil ou vengeance ne cherche à stopper, l’héritage de Tsongor est réduit progressivement à néant. Le défunt Tsongor assiste ainsi impuissant à la chute de son royaume et à la destruction de sa famille : ce qu’il a obtenu par les armes et le sang lui est repris par les armes et le sang.
Laurent Gaudé, dans ce puissant roman épique, nous offre une histoire digne de Homère. Le parallélisme entre ce récit et l’Iliade est frappant. L’écriture est maîtrisée, magnifique. On a des descriptions de scènes qui tiennent en haleine. La psychologie des personnages est ultra travaillée. Je suis ressortie de ce roman éblouie.
Laurent Gaudé – La mort du roi Tsongor – Le livre de poche – 219 p.