« Les rêveurs » de Christophe Pellet
« Je saute par-dessus cette frontière bavarde séparant le féminin du masculin.
Les victimes des bourreaux,
Les filles d’un côté,
avec leur révolte et leur colère,
les garçons de l’autre,
avec leur amertume et leur repli :
cela ne peut plus être,
Ancien régime sexuel ».
Dès le début de la pièce, le quatrième mur est brisé. Par la lumière qui demeure sur le public même une fois le rideau levé. Par les paroles que les personnages lui adressent.
Le voile levé, sur les planches et dans la salle, nous oscillons sans cesse entre la réalité et le rêve comme nous passons d’une identité à une autre. La fluidité du temps et de la vie. La fluidité des corps et des genres. Abolir les frontières, mettre du flou pour interroger, pour amener à la réflexion, pour matérialiser le changement.
Nous suivons quatre personnages à la croisée des chemins, en transition. Raphaell qui aime préciser « avec deux L et sans E » pour mieux jouer sur son identité, celle d’un homme auparavant femme ou qui ne souhaite pas être réduit à un genre. Claire quitte son compagnon Vinz pour vivre avec Raphaell. Et puis il y a Loup, l’absent bien présent, le fantôme, le défunt, lui aussi au genre flou.
Nous sommes dans un quatuor amoureux qui permet de se questionner sur l’amour, le désir mais aussi l’acceptation de soi et des autres. Accepter une fluidité de l’identité sexuelle. Accepter de vivre en dehors des clichés hétéronormés. Ne plus porter de masques :
« J’arracherai cette voix comme un masque.
Je te montrerai mon vrai visage.
Nous quitterons cette scène, toi et moi.
Nous quitterons cette ville,
J’éloignerai les spectres qui la hantent.
La représentation sera finie ».
Le théâtre, lieu où l’on joue un rôle et pourtant, c’est par le théâtre que les masques tombent, loin des rôles joués dans notre société où tout doit être rangé dans une case. Où est le vrai ? Où est la fiction ? Le théâtre comme champ d’exploration, laboratoire des sentiments. Le théâtre comme un appel à une révolution des corps, des normes. Exploser la dualité féminin-masculin. Le théâtre comme miroir de ce que la vie devrait être : un espace d’expression libre. Sans craintes.
« Je lutte pour que ma seule présence aille de soi.
Seul maître de mon corps, il n’appartient à personne,
ni même à son temps :
un corps libre de tout passé, un corps qui ne présage aucun futur. Un corps du seul présent.
Ma fierté ».
Christophe Pellet – Les rêveurs – L’Arche éditeur – 90p