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LES LECTURES DU MOUTON
12 juin 2020

« Nos corps érodés » de Valérie Cibot

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« En réalité, ce qui a eu lieu ici marque à la fois le crépuscule et l’aube. La clarté est venue de l’onde. Disons qu’une vague a tout emporté et que cette histoire-là, c’est celle de la vague ».

Elle revient sur son île. Ce qu’il en reste du moins. De longues étendues de plages fermées, des falaises grignotées, des blockhaus qui s’effondrent. L’érosion est partout. Le sel, le sable et l’humidité viennent attaquer, menacer l’île et ses habitants. Ça sent l’iode, le salpêtre et la violence. Ça a le goût du béton, de l’acidité des agrumes et de l'amertume.

Elle est revenue pour ça, Mona, pour prévenir de la catastrophe. Géologue, elle veut mettre en garde, veut empêcher que l’urbanisation galopante détruise tout. Pourtant, elle sait que rien ne peut sauver l’île. Plus maintenant. Tout est allé trop vite, trop loin.

La grande vague arrivera, elle emportera tout. Les illusions, l’avidité, la violence et la honte. L’aveuglement surtout. La cécité volontaire. Ne pas voir nos sociétés voraces, guidées par l’économie. Ne pas voir la nature qui se soumet mais finit toujours par se réveiller.

Quand on ne veut pas voir, on attaque, on déferle, on submerge l’ennemi de sa haine, de sa violence. Mona affronte des regards aux couleurs de l’océan déchaîné. Ces regards qui ne se remettent jamais en cause, qui ne veulent pas abandonner ce qu’ils ont.

Les îliens réveillent leurs démons. Comme il y a soixante-quinze ans. L’histoire qu’on tait, qui fait honte. Une histoire qui sera elle aussi expiée dans une douloureuse et inattendue transe.

Des êtres qui font corps avec l’île si ce n’est pas l’île qui fait corps avec eux. Elle et eux, érodés, dilués dans l’océan. Au point de ne plus s’appartenir peut-être.

Après la vague, la fin de la blancheur. Un ciel couleur mauve. Un changement de regard, un espoir peut-être. 

Valérie Cibot livre un roman impressionnant où nous faisons corps avec Mona, avec l’histoire de cette île. Un récit où les sens sont en éveil. Où le corps redevient animal et minéral. Où l’urgence écologique est criante. Où la poésie sait mettre des mots sur ce qui est important.

Valérie Cibot – Nos corps érodés – Inculte – 140p.

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