« Le dernier amour d’Attila Kiss » de Julia Kerninon
« Ce livre est l’histoire d’un amour – la plus petite de toutes les histoires – l’histoire du dernier amour d’Attila Kiss. Parce que c’est une chose de déposer les armes, dans un mouvement superbe de tapage et de dévotion, mais c’en est une autre que d’accepter à partir de cet instant de vivre comme perpétuellement désarmé ».
« Lorsque deux individus se rencontrent et cherchent à entrer en contact jusqu’à se fondre, cela commence toujours comme commence une guerre – par la considération des forces en présence »
L’amour, ce sentiment étrange où rapidement on embrasse, on touche, on fait l’amour, pris dans une passion soudaine, violente… sans connaître l’être aimé. Malgré cette intimité de prime abord, on se lance au fil des jours, des semaines, des mois dans une découverte de l’autre. On élabore des stratégies, souvent inconscientes, pour en savoir davantage et pour se révéler. L’amour est-il ainsi un art de la guerre ?
C’est en tout cas ce que pense Attila Kiss, un hongrois de 51 ans qui vit seul à Budapest depuis une dizaine d’années. Pauvre, il travaille dans une usine où il trie des poussins. Il peint également à ses heures perdues. Pour bagage, il a un mariage raté et trois filles illégitimes qu’il ne voit plus.
À la terrasse d’un café, à sa grande surprise, la jeune Theodora jette son dévolu sur lui. Viennoise cultivée de 25 ans, elle est l’héritière d’une fortune colossale. Tout semble les séparer, même l’Histoire en fait des ennemis ataviques.
Attila Kiss reste sur la réserve, cherche à comprendre, à se protéger de cet amour qui lui semble impossible. Pour justifier sa « lutte », il se sert de l’Histoire austro-hongroise : la vieille et riche Autriche qui vient saccager la pauvre Hongrie. Son expérience en amour ne peut que l’inciter à se comporter en général d’armée sur ses gardes. « Le problème, c’est qu’il faut être au moins deux pour se faire la guerre ». Pour Theodora, l’amour est naturel, coule de source– « elle attendait simplement qu’il tombe – comme un arbre en feu ». Le passé n’a pas d’importance, seul l’instant présent compte : « Je ne veux pas savoir qui d’autre que moi a franchi cette bouche. Tu te donnes à moi, ou alors tu ne te donnes pas ».
Julia Kerninon transcrit habilement les balbutiements d’un amour. Le pari de mettre en parallèle une histoire d’amour et la géopolitique est osé et pourtant réussi. Comme dans Ma dévotion, j’ai aimé son écriture à la fois simple, directe et pourtant non dénuée de beauté.
Julia Kerninon – Le dernier amour d’Attila Kiss – La Brune au Rouergue – 125p