Le chant des marées.
Le chant de la mer qui tangue, de l’océan qui relie le poète à deux terres : celle qu’il a quittée et celle qu’il a rejointe.
Le chant d’une mer où le poète remue, oscille, se cogne entre les souvenirs et l’instant présent, tel le ressac.
Une douce mélopée comme celle que l’on peut entendre dans les conques. L’écho d’une voix.
Dans ce très beau recueil de poèmes, Watson Charles file la métaphore de l’eau, de l’océan pour raconter l’exil. La difficulté de vivre avec les fantômes, les Loas, les ombres du passé, de la terre natale. La difficulté de vivre le présent sur une nouvelle terre, à l’autre extrémité des eaux :
« Mon cœur est à la dérive des continents »
« La mer des Caraïbes est en moi ».
La terre de l’exil, c’est Haïti. Cette terre qui a tremblé en janvier 2010 et qui fait trembler le cœur du poète. Mais si le poète a son île au cœur, il s’ouvre à tous les exilés du monde. Il est dans la tradition, depuis la nuit des temps, de la fuite, de l’abandon, de gré ou de force :
« Zafra Akkad Gorée Damas
Le temps n’est plus de la bonne semence
Mais souviens-toi que nous sommes des bohèmes ».
Le poète s’inscrit dans une filiation. L’Histoire, les ancêtres, les civilisations déchues.
Le temps n’apaise pas la douleur mais l’écriture permet de se relever, de sublimer la perte, de ne pas se résigner :
« Plus rien n’arrête le rêve du poète et son silence
Plus rien sinon son anathème
Son refus de vivre l’horreur ».
Pour autant l’exil, les souvenirs qui envahissent, ne sont pas repli sur soi, monde où règne la nuit. Il y a la rencontre des êtres. Dans le recueil, le poète s’adresse à une autre personne, une femme qui lui permet de s’ancrer dans sa nouvelle terre, sa nouvelle réalité, même si, sans cesse, cette femme lui rappelle l’abandon, l’errance. La femme se transforme elle-même en une mer, à moins que ce ne soit la personnification de la mer :
« En moi
Il y a la mer à conquérir
Pour trouver le bleu de ton pubis ».
Enfin, la poésie sert aussi à évoquer les forces du chaos. Les éléments, maritimes ou terrestres, montrent aussi que l’Homme est une toute petite chose dans le monde. Il convient aux Hommes de rester humbles face à leurs dérives personnelles qui ne sont qu’une petite goutte d’eau dans l’océan de l’humanité.
Watson Charles – Le chant des marées – éditions unicité – 90p