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LES LECTURES DU MOUTON
22 janvier 2020

« Lake Success » de Gary Shteyngart

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« Quand c’est dur avec ma famille, j’aime regarder Trump, parce qu’il me distrait. Quoi qu’il m’arrive à titre personnel, il y a une catastrophe en train de se produire à plus grande échelle ».

Barry Cohen est l’homme aux 2,4 milliards d’actifs sous gestion. Un riche New-Yorkais qui aime boire du whisky japonais hors de prix mais aussi collectionner les belles montres. Pourtant, une nuit de 2016, il se retrouve à Port Authority en sang et ivre pour prendre un Greyhound. Il fuit sa femme Seema et son fils autiste de trois ans Shiva. Il fuit également une enquête financière pour ses relations avec la société Valupro. Barry est un homme qui court après un renouveau. N’est-ce pas en Amérique que l’on peut tout quitter et tout recommencer ? En ligne de mire, il espère retrouver Layla Hayes, un amour de jeunesse. 

Tout au long de sa traversée des États-Unis, il rencontre de « vrais » gens, ancrés dans une réalité difficile, loin des dorures d’un appartement huppé. Barry se leurre sur la vie qu’il espère conquérir tout comme il doute des capacités de victoire de Trump aux élections mais son voyage va progressivement lui remettre les montres à l’heure. 

Sa femme Seema pourrait sembler plus stable mais elle se berce aussi d’illusions en cachant l’autisme de son fils à tous et en choisissant délibérément le terme « diagnostic » pour nommer sa différence. Elle fuit aussi à sa manière dans les bras de son voisin Luis, un écrivain guatémaltèque.

Gary Shteyngart mêle habillement les errements de l’intime et de la société avec humour et férocité. Son personnage Barry Cohen est fascinant car il représente bien la contradiction humaine. Il est amoral, capable de flamber son argent tout en ironisant sur les pauvres qui ne sauraient pas quoi faire de millions de dollars. A contrario, il est d’une grande naïveté, capable d’élans du cœur pour son fils, un dealer ou la jeune Brooklyn. Il est aussi conscient de ses limites en société et dans sa famille. Surtout, il est déconnecté d'une réalité qu’il a pourtant connue puisqu’il vient d’un milieu modeste. 

Gary Shteyngart a su en faire un personnage à la fois drôle, ridicule, agaçant et émouvant. Parce qu’il a su injecter de lui-même avec une bonne dose de lucidité mais aussi d’auto-dérision. Parce que le voyage en Greyhound, il l’a lui-même vécu pour nourrir son histoire.

Barry vit comme dans un roman ; il espère se refaire au casino de la vie, avec une chance quasi-nulle. Peut-être parce qu’il a loupé sa vocation d’écrivain et du coup il imagine son avenir comme on jetterait des mots sur le papier. Il est un peu un Gatsby le « Magnifique » sur la route de Kerouac.

Un roman dans lequel j’ai plongé avec plaisir – et je l’ai pourtant commencé emplie de doutes. Je vous le recommande pour son regard sur la société américaine, son personnage complexe et son humour mâtiné de sérieux (ou le contraire ?).

Gary Shteyngart – Lake Success – éditions de l’Olivier – 380p (traduction de Stéphane Roques).

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