« Champion » de Maria Pourchet

« Cinquante kilos, pas loin d’un mètre au garrot, des dents, des yeux, tout à fait effrayant quand on n’y connaît rien. Par exemple, personne ne sait que ça ne mange quasiment pas les gens, et c’est très bien comme ça. Je l’ai mis natif de Sibérie pour lui donner un passeport et du caractère, je l’ai baptisé Champion pour lui donner un avenir. J’ai adopté Champion l’année dernière par consentement mutuel, je ne m’en sortais plus tout seul, j’avais besoin de soutien. Je vais beaucoup mieux depuis. Quoi qu’en pense M. Vachelet ».

1993. Fabien, quinze ans, vit depuis six mois dans un centre de repos. Sa thérapie ne donnant pas de bons résultats – Fabien excelle dans l’art de la dissimulation et du mensonge – sa psychiatre lui propose de coucher sur le papier des mots. Sa sortie du centre est à ce prix. Ce sont les cahiers de Fabien que Maria Pourchet nous donne à lire. Six cahiers où Fabien, avec insolence et humour, se raconte.

Cet adolescent décide de remonter son histoire un an auparavant, quand il était à l’internat. Nous comprenons très vite que Fabien ne tient pas à se livrer. Il balade sa psychiatre et nous, lecteurs, avec. Il tourne autour du pot, ment, manipule pour ne pas affronter la vérité. Pourtant, au fur et à mesure qu’il déroule ses péripéties à la fois cocasses et difficiles, nous commençons à percevoir le malaise. Fabien s’invente un compagnon, un loup, qu’il nomme Champion et qui l’aide à affronter la solitude, le vide qu’il a en lui, sous le masque. Bien évidemment, nous continuons de sourire à chacune de ses vannes, de ses critiques, de ses réflexions à l’emporte-pièce (ou au contraire très sérieuses) mais le sourire finit jaune. Derrière l’attitude désinvolte, le sarcasme, une grande souffrance est là. Pesante. Cet adolescent vif, intelligent a une relation compliquée avec les gens et notamment ses parents. Mais, surtout, il est perturbé par un événement traumatisant, par une culpabilité qu’il finit par avouer progressivement.

Maria Pourchet livre un subtil jeu d’équilibriste où le lecteur oscille entre comédie et tragédie. J’aime quand un auteur utilise l’humour pour raconter la douleur. Le style, décapant, rend le personnage de Fabien encore plus attachant. Je l’ai quitté à regret ; j’aimerais tant savoir ce qu’il est devenu.

Maria Pourchet – Champion – Folio – 250p