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LES LECTURES DU MOUTON
21 octobre 2019

« Éloge du métèque » d’Abnousse Shalmani

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« Si je suis devenue un monstre présentable, c’est que l’imaginaire m’a aidée à me fabriquer un masque, l’amour à me bâtir un temple, la foi à raconter des histoires. Le tempérament de métèque, c’est l’art du saltimbanque, le monde sa scène de théâtre, sa vie une création quotidienne ».

La première fois que j’ai entendu le mot métèque, j’étais enfant et c’était, comme beaucoup, dans la chanson de Georges Moustaki. Je ne savais évidemment pas ce que ce mot signifiait. Je ne savais pas que ce mot a eu des acceptions différentes.

Pourtant, être métèque, c’est bien ce que son origine grecque désigne : un être qui a changé de résidence, un être en exil. Être un exilé, c’est être le fruit de mélanges, de rencontres, de confrontations culturelles. C’est être protéiforme avec tout ce que ça engendre de richesses mais aussi de méfiances et d’exclusions. C’est voguer sans cesse entre deux eaux.

Abnousse Shalmani redonne ses lettres de noblesse au « métèque », terme quelque peu tombé dans l’oubli mais qui symbolise bien ce carrefour dans lequel les exilés se situent. Qui montre bien que l’on ne peut réduire un individu à une identité. Qui donne une liberté que l’on tend trop à brimer. L’éloge du métèque est ainsi l’éloge de l’Homme libre.

Les métèques, par besoin, par nécessité, par envie, ont apporté beaucoup à la culture. Ils ont embrassé l’imagination, leurs convictions pour donner chair à leurs vies en marge de la norme établie, à leur soif de liberté et de justice. Abnousse Shalmani se souvient du passage de Salman Rushdie dans Apostrophes, elle livre des mots d’une grande beauté sur Romain Gary (très contente d’y trouver Les cerfs-volants que j’adore), raconte le « roi des métèques » Hérode, nous fait découvrir Mon oncle Napoléon d’Iraj Pezeshkzad.

Hymne aux populations venues d'ailleurs, aux mélanges, son récit personnel d’exilée, accompagné de ses références culturelles, nous convie à changer nous aussi de résidence. Pour découvrir les beautés mais aussi les difficultés de la multiplicité. Parce que nous sommes tous des êtres en quête même si l’exil ne fait pas partie de nos bagages. Parce que nous cherchons aussi une liberté, un saut vers l’imaginaire. Parce que nous fuyons tous et espérons tous quelque chose. Parce que l’être humain ne peut se concevoir autrement qu’en un grand écart entre deux rives.

Le souci, c’est que l’on cherche à nous faire penser le contraire. On tend à vouloir nous enfermer dans des cases dans lesquelles nous nous abritons de plein gré ou de force.

Un livre nécessaire, à l’heure où l’identité fait l’objet de débats crasseux, où la xénophobie est de plus en plus criante, où les exilés, malheureusement, ne meurent pas que d’amour.

Abnousse Shalmani – Éloge du métèque – Grasset – 200p

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Commentaires
Z
Une autrice que je ne connais pas et un livre qui semble mériter lecture
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D
Un livre nécessaire en effet, en ces temps de repli sur soi, signé d'une auteure exceptionnelle !
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