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« Parfois les adultes ignorent le poids qu’ils peuvent avoir sur la destinée des enfants qui ne sont pas les leurs ».

Le roman de la rentrée littéraire qui ne paie pas de mine et qui pourtant accroche. La grande escapade montre que l’on peut faire de la bonne littérature sans en faire des caisses.

Le sujet en soi est presque banal : la vie en communauté des enseignants d'un groupe scolaire, celui de Denis Diderot en l'occurence. L’époque où Jean-Philippe Blondel pose son histoire est en revanche très intéressante.

Nous sommes en 1975, à une période de bascule. Le vieux monde d’après-guerre s’efface au fur et à mesure. Les mentalités changent. La mixité fait son apparition dans les salles de classes, non sans réserve de la part de certains enseignants et parents. De nouvelles méthodes pédagogiques sont testées. Elles suscitent le mépris de la part des profs « à la dure » qui accusent ces nouveaux enseignants gauchistes d'attendre l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand pour faire la révolution. Les enfants de ces enseignants pensent déjà différemment de leurs parents.

C’est dans ce contexte que Jean-Philippe Blondel nous convie à suivre pendant une année une galerie de personnages attachants dans leurs espoirs, leurs colères, leurs défauts. La vie en communauté de ces enseignants est étouffante, presque militaire avec ses secrets vite éventés, ses cancans, ses rancœurs et jalousies. Nous ne sommes pas loin d’un Desperate Housewives de la classe moyenne française de l’époque. Les femmes enseignantes sont des personnes cultivées qui pourtant continuent de jouer les bonnes ménagères, les parfaites épouses, les mères exemplaires. Les hommes ne sont pas en reste dans ce théâtre de la vie où les apparences, où l’image de la famille comptent plus que tout. Pas de place pour le reste et pourtant l’envie de liberté est là, le désir aussi. Un vent de changement souffle cependant et il ne faiblira pas. C’est sans compter sur les drames de la vie.

Jean-Philippe Blondel a réussi à faire de cette histoire, de ses personnages qu’il a si bien connus, un joli roman. L’écriture est limpide, ponctuée d’humour. L’auteur a donné à ce monde, à ces personnes un bel écrin. Il a donné à son enfance une trace parce que oui, c’est aussi un récit sur la fin de l’enfance. Si ce temps est révolu, les souvenirs eux demeurent.

Jean-Philippe Blondel – La grande escapade – Buchet-Chastel – 265p