Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LES LECTURES DU MOUTON
18 juin 2019

« Un soir au paradis » de Lucia Berlin

IMG-6219

Il me semble impossible de parler de ce recueil de nouvelles sans évoquer d’abord l’autrice, d’autant plus si, comme moi, vous n’avez pas lu Manuel à l’usage des femmes de ménage.

Lucia Berlin a tout eu sauf une vie conventionnelle. Mariée trois fois, mère de quatre fils qu’elle finit par élever seule, elle a vécu à Santiago du Chili, New York, Acapulco, Alburquerque. Alcoolique, elle fréquente de nombreux centres de désintoxication avant de devenir sobre dans les vingt dernières années de sa vie. Son second mari, Buddy Berlin, était un toxicomane. L’écriture a toujours eu une place importante mais elle a travaillé de façon épisodique, au rythme de sa vie chaotique. Après de multiples jobs, elle parvient dans les années 90 à obtenir un poste d’enseignante mais ses écrits mettront du temps à être reconnus. La rançon de beaucoup de femmes écrivaines. En résumé, Lucia Berlin est le genre à laisser derrière elle une légende faite de vérités et de fantasmes.

Si ses nouvelles ne sont pas à proprement parler autobiographiques, elles ont été façonnées par son vécu, ses expériences, ses joies et ses peines. C’est cette vie compliquée qui fait la richesse de ses écrits où le drame côtoie la légèreté avec aisance et une sincérité.

Un soir au paradis rassemble vingt-deux récits. Je n’ai pas forcément été sensibles à toutes les nouvelles mais elles sont nombreuses à avoir su me toucher par cet art de l’ellipse qu’elle maîtrise avec talent.

Des femmes sont confinées à leur rôle d’épouse et de mère pendant que les hommes parlent du monde. Ces femmes peuvent être alcooliques ou pas mais, de toute façon, elles seront larguées par leurs compagnons. La solitude, cette cruelle compagne même quand on est deux. Une mère qui pète les plombs à Noël et se réfugie sur le toit de la maison. Une femme qui tue le dealer de son époux et cherche à cacher le corps. Des stars hollywoodiennes dont la beauté et la classe n’ont d’égales que la déchéance et la misère affective. Le tout est servi avec une ambiance dépaysante ponctuée par la langue espagnole et le parfum des fleurs exotiques. Tout concourt à faire de ces nouvelles des œuvres à la fois réalistes et fantasmagoriques. Dans la préface, son fils Mark Berlin dit « le fait est que si je devais raconter l’histoire de Lucia, même de mon propre point de vue (objectif ou pas), on parlerait de ‘réalisme magique’. Personne n’y croirait ». Son œuvre est à son image.

Lucia Berlin – Un soir au paradis – Grasset – 350p

Traduction de Valérie Malfoy

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité