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LES LECTURES DU MOUTON
24 avril 2019

« Manifesto » de Léonor de Récondo

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« Je pense à eux, ils sont soudains dans mon dos. Nous sommes quatre près de toi, côté droit, tes enfants. Mes deux frères, ma sœur et moi. Un court instant, je pense que tu vas les rejoindre ainsi que tes parents et ton frère, mais je n’y crois pas. On meurt, c’est tout, et on agrandit l’âme de ceux qui nous aiment. On la dilate. La mienne va bientôt exploser ».

Léonor de Récondo renoue avec l’autobiographie après Rêves oubliés. Le récit se fait davantage intime puisqu’elle y raconte les derniers instants de son père, Félix de Récondo, en soins palliatifs. Toute une nuit elle veille sur lui avec sa mère Cécile. Elles l’accompagnent dans ce passage entre la vie et la mort. Léonor y raconte la douleur de la disparition qui approche sans omettre la difficulté d’y faire face. On aimerait parfois fuir ou que la mort termine au plus vite son travail pour ne plus vivre cette attente, cette longue agonie.

En parallèle, Léonor de Récondo imagine Félix vivre cette dernière nuit en compagnie d’Ernest Hemingway. L’occasion de parler des origines, de l’Espagne et de sa guerre civile. L’occasion aussi d’évoquer les fantômes qui peuplent la vie. Félix a fait le deuil de trois enfants. Le suicide a toujours rôdé autour de Hemingway.

Léonor offre pour la dernière fois à son père une voix et surtout une mémoire que la maladie d’Alzheimer a effacée. La question de la transmission y a toute sa place. L’art a réuni le père et la fille, la peinture et la sculpture pour Félix, le violon et l’écriture pour Léonor. L’art comme consolation, l’art comme liberté, l’art comme un élément constitutif de l’être : « Et j’ai vu peu à peu l’instrument, l’inclure. La greffe prenait, un prolongement se faisait ». L’art, une histoire de corps, une histoire d’âme.

Dans Manifesto, Léonor de Récondo lie avec talent et sensibilité les trois « je » du récit pour en faire une ode à la vie, à la liberté d’être, de faire, de choisir avant que le corps et l’esprit ne nous échappent : « Pour mourir libre, il faut vivre libre » lance-t-elle comme un manifeste.

Léonor de Récondo – Manifesto – Sabine Wespieser – 180p

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