« La mer monte » d’Aude Le Corff
Après près de quatre années d’absence, Aude Le Corff a le courage de revenir sur la scène littéraire avec un roman d’anticipation qui tranche avec ses précédents (même si, nous le verrons, nous ne pouvons pas le réduire à ce qualificatif). C’est osé, c’est à double tranchant mais la littérature ne sert-elle pas à prendre des risques ?
Nous sommes en partie en 2042, une date à la fois si loin et si proche de nous. Le monde a enfin pris conscience du dérèglement climatique. Des mesures drastiques sont prises pour en limiter les effets. L’évolution rapide de la technologie a permis de réguler les choses… du moins dans les pays développés car les autres contrées sont laissées à l’abandon et on évite de se préoccuper du sort des migrants (n’est-ce pas déjà le cas d’ailleurs ?). Lisa est née en 2003, année de la grande canicule, tout un symbole. Elle vit dans le Paris suffocant de cette époque où les drones surveillent les Hommes, où chaque mesure prise au nom de l’environnement a des allures de dictature. Depuis son adolescence, elle a une relation difficile avec sa mère Laure. Dépressive chronique, elle n’a pas été la mère qu’il fallait pour Lisa. Cette dernière découvre adolescente le journal intime de Laure et se met en tête de l’aider à sortir la tête de l’eau : « Je voulais comprendre pour trouver un remède, réparer ce qui s’est cassé en elle ». Nous découvrons que Laure n’a pas fait le deuil d’une relation amoureuse interrompue brutalement. Lisa part à la recherche de l’homme qui a blessé sa mère.
Aude Le Corff alterne les extraits du journal de Laure avec la vie de Lisa. En parlant de l’écologie et de la relation mère-fille, elle évoque dans son roman la transmission au sens large. Quel monde transmettons-nous aux générations futures et que transmettons-nous comme héritage personnel, familial à nos propres enfants ? La vie en 2042 décrite par Aude peut décontenancer plus d’une personne. Je trouve dans l’ensemble que ce qu’elle raconte est assez crédible à moyen terme. Nous ne sommes pas dans une vision SF d’un futur apocalyptique ni dans la morale d’ailleurs. Il y a des risques que certains lecteurs restent sur le bas-côté mais personnellement je suis entrée sans problème dans cet univers.
Pour moi, le plus important reste cependant la relation entre Laure et sa fille, cette quête d’amour et de vérité. J’y ai vu la difficulté pour l’entourage à comprendre un chagrin d’amour. Un de perdu, dix de retrouvés, lance-t-on souvent lors d’une rupture alors que l’amour peut blesser gravement pendant longtemps. L’amour, quel que soient les circonstances, quel que soient les façons dont on l’occulte, voire qu’on le combat, reste présent et c’est justement parce que nous le savons qu’il nous fait peur. L’auteure a tenu à nous livrer une fin ouverte où chacun sera libre de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Personnellement en fermant le livre j’avais envie d’en savoir plus. Tant pis, je dois faire preuve d’imagination et ce n'est pas une mauvaise idée.
Un roman qui suscitera certainement des réactions diverses mais que j’ai bien apprécié.
Aude Le Corff – La mer monte – Stock – 250p
Lecture comme dans le cadre du Paris-Nantes avec Eirenamg :
L'auteur nous plonge à la fois dans un futur proche, les années 2040 et fait aussi référence aux années 1990, 2000 par le biais de flashbacks. On suit deux héroïnes cabossées : Lisa, une jeune ingénieure et sa mère : Laure.
http://eirenamg.canalblog.com