« Amour propre » de Sylvie Le Bihan
« Il y a dans la vie un temps pour agir, par instinct, par volonté, par hasard ou par devoir, un temps déterminé pour chaque palier, ensuite arrive celui de réfléchir, de revenir sur ce qu’on a fait, d’analyser froidement ce qu’on a réussi ou raté et, si c’était à refaire et malgré l’amour que je porte à mes enfants, je pense honnêtement que je ferais tout différemment, sans eux ».
Sylvie Le Bihan est une femme qui me fascine. Elle est toujours de bonne humeur, toujours pleine d’humour et attentive aux autres. Elle n’a pas toujours été comme cela. Ses précédents romans montraient les blessures que la vie avait pu lui infliger.
Régulièrement, elle aime plaisanter sur les enfants, sur le côté mère indigne. Je souris à chaque fois et je like ses propos avec joie allant parfois jusqu’à lui dire qu’elle est mon modèle. Tout ceci est le jeu des réseaux sociaux. Mais derrière des mots drôles, volontairement provocateurs se cache bien souvent une réflexion approfondie.
Comment vit-on avec l’intime conviction que le rôle de mère n’est pas pour nous ? Quelle relation peut-on développer avec ses enfants quand on sait que leur présence, même aimante, n’est pas ce que l’on attendait de la vie ?
Giulia approche de la cinquantaine. Elle a trois enfants ; une fille étudiante en médecine et deux garçons en Terminale. Giulia est contente de voir ses enfants bientôt prendre leur envol. Elle aimerait enfin être libre. Un incident va remettre en cause ce souhait et la relation qu’elle entretient avec ses enfants. Elle profite d’une résidence d’écriture à la Villa Malaparte à Capri pour faire le point sur sa vie. Quelle mère peut-elle être alors que le sentiment maternel a toujours été contrarié ? Comment vivre cette fascination pour Curzio Malaparte, un auteur qui suscite des débats ? Un auteur qui est un héritage de sa propre mère qui l’a abandonnée à son père à l’âge de huit mois ? Existe-il un héritage de la maternité ?
Sylvie Le Bihan a l’art de décrire avec force et précision les sentiments qui nous habitent. Dans une société où la réflexion féministe sur la maternité se réduit parfois à la question d’avoir ou pas des enfants, on occulte bien souvent le vécu de la mère et des enfants. Il semble inconcevable d’imaginer avoir des enfants tout en étant convaincu que le rôle de mère n’est finalement pas fait pour vous.
Je me suis personnellement retrouvée dans ce roman, dans ce discours de Giulia. J’ai moi-même trois enfants que j’aime d’un amour inconditionnel, viscéral, animal et pourtant je suis convaincue que je ne suis pas une mère digne de ce nom. Si j’aime partager des moments avec eux, je ne suis pas patiente et je profite de la moindre opportunité pour fuir. Certaines personnes peuvent être choquées par ces propos mais ils oublient bien souvent la façon dont l’inconscient et le poids de la société pèsent sur nos vies de femme. Sylvie Le Bihan envoie valser la bien-pensance et c’est à la fois fort et d’une cruelle nécessité. Poser les choses avec sincérité, avec vérité n’est-ce pas aussi ce qu’une mère doit à ses enfants ?
Sylvie Le Bihan – Amour propre – JC Lattès – 280p
Lu dans le cadre du Paris-Nantes. L'avis d'Eirenamg :
Ce livre m a bouleversée. Je me suis totalement identifiée à Giulia et à Maria dans leurs interrogations sur la place de la maternité dans la vie d'une femme. Question qui fâche et qui fait souvent grincer car rapidement passée 30 ans, en couple ou non, elle devient un leitmotiv de nombreuses conversations.
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