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LES LECTURES DU MOUTON
31 janvier 2019

« État de nature » de Jean-Baptiste de Froment

 

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« Je vous demande de ne pas le crier sur tous les toits mais depuis quelques mois se multiplient, à tous les échelons de l’appareil d’État et de la société en général, ce que j’appellerais des défections spontanées. Ce sont des gens sans histoire, des gens normaux, des gens qui, croyez-le bien, ne brillent vraiment pas par leur originalité, mettons des sous-directeurs, des ouvriers, des coiffeuses et même des notaires, qui, tout d’un coup, passez-moi l’expression, partent complètement en vrille […]. Ils restent sourds aux injonctions, insensibles aux menaces. Quand on les interroge, ils disent simplement, sans donner davantage d’explications, que la comédie a assez duré. À partir de là, vous en conviendrez, toutes les transgressions, toutes les violences deviennent inimaginables… »

Nous sommes dans une France actuelle fictive. La présidente, dite la Vieille, a entamé son troisième septennat à la tête du pays. Cette femme est si peu présente auprès des Français que certains pourraient la soupçonner d’être déjà morte. Son bras-droit Claude dirige la commanderie, sorte de cabinet qui chapeaute les différents ministères. C’est en son sein qu’il reçoit René Farejeaux, un élu de la Douvre intérieure, la province la plus pauvre du pays. La plus arriérée diraient les mauvaises langues parisiennes. Farejeaux demande à Claude de virer Barbara Vauvert la préfète de la Douvre. Il exécute sans se douter que ce limogeage est un plan dirigé contre lui. Oui mais c’est oublier que Claude a plus d’un tour dans son sac. Nous assistons aux différents traquenards posés par une galerie d’hommes politiques aussi véreux les uns que les autres. Mais c’est sans compter sur Barbara qui décide d’entrer dans ce combat de coqs armée du peuple douvrien en colère. Comment vont-ils se dépatouiller alors qu’une crise grave se profile ?

Rien de tel qu’une bonne fiction pour servir à merveille une cruelle réalité. Parce que parfois il n’y a que par ce biais que l’on peut évoquer toute la cruauté, la férocité, le cynisme du milieu politique. Si l’auteur avait transposé son récit dans une France réelle, nous aurions pu l’accuser d’exagération, d’opportunisme ou de vouloir régler des comptes. Là, la fiction invite le lecteur à trouver lui-même la part de vérité et à le guider dans sa réflexion.

Haut-fonctionnaire de l’État, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Jean-Baptiste de Froment connaît fort bien les arcanes du pouvoir ce qui lui permet de décrire ce milieu avec justesse. La fiction, elle, apporte son lot de plaisir de lecture, de jubilation. Parce que oui, j’ai beaucoup souri en lisant certains passages. Peut-être parce que ce roman ne prend pas le lecteur pour un con, contrairement à quantité de têtes pensantes. Nous sommes tous au fait de ces arnaques politiques, de cette manipulation des masses pour le pouvoir. D’ailleurs, ce que nous accusons n’est-il pas ce que nous envions ? Le mouvement des gilets jaunes, sa médiatisation et sa récupération montre bien que nous cherchons tous à obtenir un pouvoir, même le plus petit, et à l’asseoir.

Au final, Jean-Baptiste de Froment pose une question fondamentale aujourd’hui : une société de plus en plus complexe, un système politique resté archaïque et une rapidité de communication peuvent-ils faire tomber un État démocratique ? Ce cocktail ressemble davantage à du Molotov qu’à du mojito. Un livre qui tombe comme un pavé dans la mare.

Jean-Baptiste de Froment – État de nature – Aux Forges de Vulcain – 270p

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