« Vous êtes ici » de John Freeman
« Si nous
Pouvions établir
Un atlas
De la souffrance,
La plupart des terres
Seraient
Terra incognita ».
Les lieux fascinent l’Homme. Pour leur beauté, pour leur laideur. Pour leur pureté, pour leurs courbes modelées par les activités humaines. Nous nous sentons parfois étrangers à eux ou au contraire si proches même si nous ne les connaissons pas. Les lieux qu’on traverse, occupe, visite, rêve, fuit nous forgent, nous traversent de leur Histoire et nous y versons nos propres anxiétés et espoirs. L’Homme et le lieu se reflètent l’un l’autre.
Ainsi, que nous soyons d’ici ou d‘ailleurs, globe-trotteur ou voyageur de l’imaginaire, nos gestes, nos souvenirs, nos pensées, nos émotions laissent une trace visible. Cette trace en rejoint une autre, puis encore une autre et, sans nous en apercevoir, nous avons non seulement construit une route mais plusieurs. Nous avons inconsciemment mais savamment créé un réseau, un territoire à notre image. Chacun d’entre nous créé dans sa vie une carte, celle de l’intime. Parfois, cette intimité qui nous est propre rejoint celle d’une autre personne. Des ponts se font, un échangeur naît pour joindre les autoroutes de chacun. Un réseau monde. Et c’est parce que ces liens existent que nous pouvons sentir, ressentir ce que d’autres sentent, ressentent. Parfois c’est au même endroit, au même moment. Parfois non mais nous savons, nous reconnaissons les choses.
« Toi, pour qui deux lieux
N’en sont qu’un
Tu comprends cette
Sensation de vertige
Qui parfois veut dire
Que tu es chez toi ».
À travers sa carte de l’intime et celle de son entourage, John Freeman nous fait prendre conscience de ces liens qui nous unissent. Ses poèmes, tels des Lego qui s’imbriquent, nous envoient dans les terres de son enfance, dans la légende familiale, dans des territoires en guerre, dans une société complexe et inégalitaire. Ils nous montrent aussi que nous sommes toujours en transit, en attente. Du mouvement, des turbulences, des chemins semés d’embûches, nous espérons voir le bout du tunnel, une lumière :
« … je me déplace prudemment, en quête
Sans rien
Toucher, attendant l’arrivée d’un signe ».
John Freeman – Vous êtes ici – Actes sud – 100p (traduction de Pierre Ducrozet)