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LES LECTURES DU MOUTON
13 décembre 2018

« Quand Dieu boxait en amateur » de Guy Boley

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« À l’issue d’un temps indéterminé, le soir et la fatigue tombant, les paupières plombées par la chaleur et par le silence de cette chambre insonorisée et comme toutes surchauffées, je ne savais plus très bien de ces deux mains laquelle était mienne, laquelle était sienne. Mystère de la matière, de nos viandes, de nos naissances, de nos enfantements, de ces milliers d’atomes qui tissent un fragment de peau, couleur, odeur et texture comprises. Je me savais son fils, né de sa sueur, de son courage, de son esprit entreprenant, d’une grande part d’inconscience et de quelques gouttelettes chues de son entrejambe ».

Après la claque de Fils du feu il y a deux ans, j’attendais à la fois avec impatience et appréhension ce nouveau roman. 

Cette fois-ci, Guy Boley revient sur l’image du père forgeron, boxeur amateur, chanteur d’opérette, acteur de théâtre et amoureux de la littérature. Nous ne pouvons pas voir ce nouvel opus comme une suite de Fils du feu mais plutôt comme un livre qui fait écho au premier, formant tous les deux une sorte de diptyque.

Nous sommes à nouveau plongés dans les quartiers populaires de Besançon. René, le père du narrateur vient de décéder, emporté quelques années à peine après un premier AVC. Les relations entre le père et le fils sont un peu difficiles, un peu pudiques. Et pourtant, l’amour est là et le narrateur le prouve en racontant l’histoire de ce père extraordinaire dans un milieu tellement ordinaire.

René Boley est né en mai 1926. Il ne connaît pas son père mort brutalement « et paf, écrasé entre deux wagons, comme une crêpe ». Sa mère l’élève dans la dureté et la volonté de faire de son fils un homme, un vrai. Elle l’inscrit à la boxe qu’il finit par apprécier tout autant que la littérature. Il passe son temps avec son meilleur ami Pierrot à découvrir de nouveaux mots dans le dictionnaire et à lire tout ce qui peut tomber entre leurs mains. René devient forgeron, Pierrot prêtre mais ensemble, ils décident de monter une pièce de théâtre sur la Passion de Jésus. Son fils Guy est impressionné par ce père aux multiples casquettes, beau comme un dieu grec et jouant Jésus à la fête paroissiale.

Pourtant, il n’est pas facile de vivre avec Dieu. Dans une seconde partie, l’auteur nous plonge dans les relations entre le père et le fils. Guy a grandi et voit son père sous un œil différent. À la suite d’un événement, évoqué dans le premier roman, la famille se fige comme de la cire. La mère vit dans une folie douce, le père est en retrait. Dieu a perdu de sa superbe et Guy, devenu jeune homme et bercé par les espoirs de la fin des années 60, se montre dur envers lui.

« Au cours des décennies suivantes, j’ai failli briser le seul bien dont j’avais honte : la mémoire de mon père. Pendant bien trop longtemps, j’ai eu, il est vrai, une espèce de plaisir malsain à dire qu’il était alcoolo […]. C’était si bon de pouvoir le piétiner, de salir son image. Il aurait dû comprendre tout seul, comme un grand qu’une fois qu’on est devenu Dieu, il est interdit de déchoir ». Il est parfois difficile d’aimer comme il faut un proche qui nous impressionne tellement.

Guy Boley nous offre une fois de plus un récit touchant non exempt de touches d’humour sur l’amour filial et la force des passions dans une vie. L’écriture est une fois de plus sublime, peut-être moins poétique que le premier mais toujours d’une grande force. 

Guy Boley – Quand Dieu boxait en amateur – Grasset – 180p

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