« Prendre corps » de Catherine Voyer-Léger
« Vergetures.
Elles sont neuves. Bleu clair. Mes seins savent bien qu’on s’y habitue… Que ça range, ça se chair, avec le temps.
Les traces d’un enfant que je n’aurai pas. Combien d’année peut-on grossir en vain pour digérer un deuil comme celui-là ? »
Le corps. Nous parlons de notre enveloppe charnelle au singulier. Systématiquement. Pourtant, nous pourrions utiliser le pluriel. Parce que le corps prend des formes diverses et variées selon le temps, l’âge. Il est protéiforme. Mais surtout, il est une mécanique composée de plusieurs pièces qui ont chacune leur fonction, leur vie, leurs problèmes. Nous abritons un immense puzzle que nous avons parfois du mal à assembler, à faire nous ressembler.
Catherine Voyer-Léger nous propose dans cet ouvrage de partir à la découverte du corps et de ses composants à travers ses propres réflexions sur le sien. Loin d’être un livre linéaire, Prendre corps est un recueil de fragments de corps, de fragments de vie. Chaque page évoque une partie du corps ou une émotion : pilosité, honte, bronzage, larmes, colère, sourire, pleurs, bras, nuque… Peu importe l’ordre de lecture, ce qui compte c’est comment l’auteure parvient à poser des mots sur son physique, ses ressentis, ses doutes.
En dévoilant sa plastique morcelée avec pudeur mais sans concession, elle révèle son âme, ce qui en fait sa profondeur.
En dévoilant son corps, elle nous invite à réfléchir sur le nôtre.
Si le rapport au corps est différent selon les êtres, nous avons tous un regard critique sur celui-ci qui nous empêche parfois de se sentir soi-même. Pourtant, la somme de nos complexes et de nos beautés n’est-elle pas ce qui permet de prendre corps, de l’habiter pleinement avec lucidité et bienveillance ?
Catherine Voyer-Léger réussit le pari de faire du physique la clé d’accès à la richesse intérieure.
Catherine Voyer-Léger – Prendre corps – La peuplade – 272p