« Chacun son bocal. Moi j’entretiens le formol à faire durer les morts ».
Le hasard a voulu que je termine ce livre à la gare du Mans où mon TGV effectuait un arrêt. Le Mans est à environ soixante kilomètres de Nogent-le-Rotrou où se déroule en grande partie l’histoire. Dans son deuxième roman, La suture, Sophie Daull évoquait le passé de sa mère, femme plutôt discrète et mystérieuse, sans pour autant déballer de façon impudique et voyeuriste son assassinat. Cependant, « la croûte gratte, la plaie reparle. Quelque chose suinte qu’il faut nettoyer à grandes eaux ».
Au grand lavoir de l’écriture, Sophie Daull fait sa grande lessive. L’encre versé est là pour nettoyer la suture, pour la rendre plus supportable. Pour cela, il faut creuser l’affaire, parler du meurtrier et aller même encore plus loin : le faire parler.
Ce récit est composé de deux voix. Nous avons d’un côté la narratrice (évitons le terme « autrice ») qui se rend à une rencontre en librairie à Nogent-le-Rotrou pour parler du livre sur sa fille et de l’autre le meurtrier qui, après avoir purgé une peine de dix-neuf ans de prison, vit depuis de nombreuses années dans cette même ville.
Chacun donne son ressenti, sa vision du drame, du procès, du reportage TV à charge contre la victime. Chacun évoque sa vie après, la lente reconstruction, les non-dits. Mais, il manque l’essentiel, un mot qui a toute son importance. Est-il possible plus de trente ans après le drame de pardonner ?
Sophie Daull livre un roman assez fort qui ne laisse pas indifférent. Se mettre dans la peau de l’assassin de sa mère est un procédé très osé que je trouve personnellement réussi mais qui pourra gêner certains lecteurs. L’écriture est très travaillée, très stylisée. Peut être un peu trop justement. Plus de sècheresse, de rudesse dans l’écriture aurait convenu au fond du livre.
C’est un roman que j’ai plutôt apprécié même si j'avoue que j'aurais préféré lire un autre livre, pas axé à nouveau sur l'assassinat de la mère. Peut-être le prochain... ou pas... parfois quand un thème nous gratte un peu trop, il est difficile d'en faire abstraction.
Sophie Daull – Au grand lavoir – Philippe Rey – 160p