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LES LECTURES DU MOUTON
22 octobre 2018

« Tu t’appelais Maria Schneider » de Vanessa Schneider

schneider

« Comme tant d’autres de ta génération, tu as rejoint la cohorte des vedettes déchues, flétries par les abus, rejetées par une époque où les rebelles n’ont plus de place. Tu n’es plus la célébrité de mon enfance, celle que l’on reconnaît dans la rue et que l’on regarde en frissonnant de terreur, d’excitation et d’envie. Tu restes ma cousine pour laquelle je cultive une fascination à la fois tendre et morbide. Un bijou de famille cassé et précieux, gardé au fond d’un tiroir secret ».

Maria Schneider est morte en 2011. Pour lui « rendre hommage », les médias ont ressorti des photos sulfureuses et ont passé leur temps à évoquer LA scène, celle qui bouleversa à jamais la femme, l’actrice : celle du beurre dans le Dernier Tango à Paris. Réduite à cette scène affreuse, réduite à sa réputation de camée et de star déchue, Maria méritait pourtant qu’on cherche à la comprendre. L’écrivain et la journaliste Vanessa Schneider, qui est sa cousine, a pris sa plume pour expliquer Maria, sa Maria, celle qu’elle a connue du début de sa carrière jusqu’à sa mort en passant par la célébrité et surtout la période la plus sombre.

Maria découvre le milieu du cinéma à seize ans. Elle fait la connaissance de plusieurs acteurs célèbres comme Alain Delon ou Brigitte Bardot qui la soutiendra jusqu’au bout. Comme toutes les jeunes filles de son âge, elle se voit faire du cinéma ; elle rêve d’un conte de fée. Elle tombe sur LE film, LA bombe cinématographique de cette année 1972 : Le dernier tango à Paris. Elle a tout juste dix-neuf ans (mineure à l’époque) et elle se retrouve à poil dans un film à côté du monstre sacré qu’est Marlon Brando et d'un réalisateur, Bertolucci, qui n’a aucun scrupule. La scène du beurre organisée et vécue comme un viol la marque. Alors qu’elle aurait pu se défendre, porter plainte, sa jeunesse et sa méconnaissance des lois et du milieu la condamnent au statut de victime. Elle subit toute sa vie cette scène comme elle subira tout le reste. Le reste, c’est la dangerosité de ce milieu du cinéma où règne la drogue. Maria finit par prendre de l’héroïne et, par la légèreté de ton qu’elle emploie avec les journalistes, finit par alimenter son statut de sulfureuse. Dans une période où progressivement la société libertaire ouverte avec mai 68 se referme, c’est un suicide professionnel et presque personnel.

Vanessa Schneider nous dresse le portrait d’une Maria qui a été fragilisée par un milieu alors qu’elle était solaire, lumineuse et surtout très forte. Ce mélange de détresse et de combativité lui permet de sortir plus tardivement de la drogue avant que la maladie ne la rattrape. Mais, elle n’a pu rien faire pour son image définitivement acquise.

J’ai apprécié la douceur de Vanessa Schneider quand elle évoque sa cousine mais aussi le côté cinglant sur le milieu du cinéma et des médias. J’ai aimé qu’elle explique sa fascination pour Maria et comment elle en est venue à parler d’elle. Ce récit, où la narration oscille entre les différentes personnes du singulier, livre aussi un portrait des années 70, celles d’une liberté de ton qui s’effrite avec les chocs pétroliers, où le puritanisme refait surface et où la drogue consume une jeunesse. Vanessa Schneider montre aussi le caractère profondément misogyne de ces années-là. Maria subit des violences sexuelles comme beaucoup d’actrices de cette époque (et pas que de cette époque au vu du mouvement #Metoo en 2017). Mais, cette image de la femme est ancrée dans toute la société française : même des femmes critiquent le caractère sulfureux de Maria, alimentant cette misogynie ambiante. Tout ceci contraste avec le caractère insouciant et décalé que Vanessa a connu dans sa vie familiale à l’époque. Elevée à la bohême, la réalité du monde la rattrape vite. J’ai trouvé d’ailleurs intéressant cette évocation de la vie de l’auteure durant ces années.

Un livre touchant qui redonne la juste place à l’actrice, à la femme Maria Schneider. J’ai juste regretté quelques envolées lyriques qui n’étaient pas nécessaires à mon goût.

Vanessa Schneider – Tu t’appelais Maria Schneider – Grasset – 250p

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