« Je ne réponds pas, c’est comme si je comprenais soudain la signification véritable de toutes ces années dans l’armée. J’ai vécu en croyant à un mensonge auquel je ne peux plus croire, j’ai vécu en cherchant à me convaincre que je ne faisais qu’exécuter les ordres, que je portais à destination des caisses de munitions, comme s’il s’agissait d’une bien parmi d’autres, comme si je ne savais pas à quoi elles servaient vraiment. Ce que j’ai fait n’était pas un travail comme un autre, un emploi pour survivre. J’ai décidé de prendre part à cette guerre, j’ai apporté ma contribution à une armée d’invasion qui avait comme unique objectif de détruire ma terre, le pays que j’aime ».
À travers ce roman, Marco Magini raconte le massacre de Srebrenica pendant la guerre de Yougoslavie avec trois points de vue différents. Trois personnages pour trois visions du massacre et les traces qu’il leur a laissées. Nous avons Dražen qui ne voulait pas la guerre mais finit par entrer dans le conflit dans l’armée serbe. Il raconte son quotidien de soldat entre attente, peur et horreurs (morts, viols…) jusqu’au jour du massacre où il retrouve aux pieds du mur. Dirk, le néerlandais, est aussi dans le théâtre des opérations en tant que casque bleu. Il s’aperçoit rapidement que la neutralité de l’ONU est un non-sens et même implicitement une forme de complicité de meurtres. Enfin, l’espagnol Romeo est juge au tribunal pénal international de La Haye. Plus d’un an après le massacre, il se retrouve avec ses autres collègues à juger Dražen. L’homme se retrouve face à un cas de conscience.
Marco Magini nous évoque toute la complexité d’un massacre, d’une guerre qui a amplement dépassé l’ensemble des acteurs du conflit. Il pose la question de ce qu’il reste d’individualité, de conscience personnelle dans des structures collectives, dans des actions de groupe.
C’est dur, c’est même révoltant et quelque peu déprimant mais c’est un livre qui montre bien que tout n’est pas noir ou blanc. À l’heure où tout est jugé à l’emporte-pièce avec les réseaux sociaux, ces questionnements sont plus que nécessaires.
Marco Magini – Comme si j’étais seul – Folio – 270p. Traduit de l’italien par Chantal Moiroud.