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« J’ignore quand mon corps a commencé à en porter la trace, se retrancher, se reculer imperceptiblement quand on m’approchait, d’un geste de rien d’abord, un raidissement, quand j’ai cessé de dire ce que je pensais, n’ai plus su m’exprimer, ai perdu les mots, les repères, la syntaxe, la mémoire, quand j’ai balbutié. Quand j’ai baissé la tête, les yeux, courbé l’échine, évité certains sujets, certains regards, certaines confrontations. Ce n’était pas arrivé d’un coup, ça s’était installé puis diffusé ».

Jusqu’où peut-on aller par amour ? Qu’est-on capable d’accepter, de tolérer pour la personne qu’on aime ?

Juste posées comme ça, ces questions semblent romantiques. Mais, quand l’amour est une épreuve, quand il est le fruit de trahisons, de manipulations, de mauvaise foi, est-on encore dans du romantisme ?

Il l’appelle « Douce » mais à aucun moment il lui rend la vie douce, à aucun moment elle ne le quitte pour enfin obtenir un peu de douceur.

Huit années d’un amour fou dans tous les sens du terme. Un amour qui consume, qui vous fait basculer, qui enchaîne et dont elle ne souhaite pas se libérer… parce qu’elle y croit, parce qu’elle s’y habitue, parce qu’elle trouve des excuses… et parce qu’elle finit fatiguée, brisée, parce qu’elle n’a plus la force de. Pourtant, cette amoureuse sait dès le départ qu’elle est en danger avec cet homme, que cette passion sera destructrice mais rien n’y fait, elle va boire la coupe jusqu’à la lie, jusqu’à ce que l’ivresse la possède, la mette K.O. pour mieux renaître, doucement…

J’ai été très touchée par cette histoire, par cette femme si forte et pourtant si prisonnière. J’ai été révoltée par cet homme et puis j’ai eu pitié de lui. Est-ce mieux ? Je ne crois pas. Sylvia Rozelier ne se contente pas de décrire un amour impossible, un amour qui fait mal, elle donne du corps, elle donne de la chair à la passion. Elle montre l’attraction animale qui transpire de ces êtres, qui laisse les esprits de côté. Son écriture est sensorielle et d’une grande sensualité. L’être mal aimé finit dans la dépendance affective, sous perfusion et il est difficile d’en sortir parce que c’est une drogue dure. Le rehab est douloureux, très long… parfois quelques années après, on ressent encore l’envie d’en parler, de lui redonner une autre forme… avec une plume.

Sylvia Rozelier – Douce – Le passage – 215p