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LES LECTURES DU MOUTON
11 mai 2018

« Paris-Venise » de Florent Oiseau

parisvenise

« J’ai filé un verre de mousseux au gars, qui s’est trouvé très fier d’avoir le droit à un privilège réservé à la première classe. Il tournoyait dans le wagon avec son verre bien haut, bien visible des autres. Il m’a même semblé le voir prendre un selfie avec ses trois centilitres de mousseux gratos. Ça aussi, c’est très français. On crache sur l’argent et les avantages de ceux qui en ont, on s’invente des idéaux pour justifier notre frustration de pauvre, mais quand on goûte, l’espace d’une seconde, aux trucs réservés aux riches, on ne trouve pas que ça a un gout dégueu. Le homard, on se rend compte que notre organisme le digère pas trop mal et que le Moët & Chandon s’expulse sans irriter le canal urinaire. On est un pays de prolos, mais des prolos de circonstance, pas de conviction. Notre seule et véritable conviction, c’est la plainte. Mieux, la légitimité de se plaindre ».

Roman, récemment licencié, parvient à décrocher un emploi dans le train de nuit du Paris-Venise. Ça tombe bien car Melle Pajot, sa banquière, lui demande de renflouer son compte dans le rouge écarlate. Malheureusement pour Roman son nouvel emploi est assez mal payé mais surtout il est loin d’être le job rêvé. Si le nom Paris-Venise laisse imaginer un voyage tranquille pour des vacances paradisiaques, la réalité est toute autre. Le Paris-Venise n’est pas l’Orient-Express mais un train où des clandestins tentent de s’incruster, sans compter les voyageurs les plus pauvres condamnés au « Blédard-Land ». Chapeauté amicalement par Demba, un banlieusard comme lui, Roman raconte les nombreuses péripéties de ses voyages où il découvre rapidement que l’honnêteté n’existe pas. De nombreux trafics sont organisés par l’équipage : des migrants qu’on fait payer plein pot, des personnes aisées flouées, des trous de caisse. Chacun y va de sa petite combine ce qui désarçonne Roman. Peut-on rester droit dans cet univers de corruption ? Et puis, Roman rencontre Juliette, employée comme lui et qui est loin d’être une oie blanche…

J’ai beaucoup aimé ce second roman de Florent Oiseau que je ne connaissais pas. J’avais eu de bons échos sur son premier roman mais je n’avais pas eu l’occasion de le lire. L’auteur, qui a puisé l’inspiration dans son propre parcours professionnel, est un conteur. Il maîtrise son récit de bout en bout et a un style bien à lui. Son écriture est émaillée de nombreux jeux de mots, de situations drôles voire même loufoques. Il a l’art de la formule qui fait mouche. Florent Oiseau parvient à rendre très humain et attachant Roman qui cherche juste à gagner sa croûte et ne sait plus sur quel pied danser dans cet univers ferroviaire. J’ai également beaucoup apprécié le fait qu’il évoque les « galériens » de la vie dans un large spectre, allant du banlieusard qui peine à payer son loyer aux clandestins qui fuient la misère ou la guerre. Il en résulte une petite peinture sociale française, européenne, internationale d’une cruelle vérité.

Un roman qui mérite vraiment la découverte. Attention au départ, montez bien avant la fermeture des portes.

Florent Oiseau – Paris-Venise – Allary éditions – 240p

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