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LES LECTURES DU MOUTON
19 avril 2018

« Un jeune homme en colère » de Salim Bachi

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« L’amour dont parle papa pour se dédouaner d’être un malade du cul, je n’y ai jamais cru, c’est du pipeau. L’amour est le carburant des hypocrites qui n’ont pour horizon que la satisfaction de leurs instincts. Je ne suis pas sentimental. J’aurais pu, à mon âge, mais non. Le verbe aimer est une escroquerie syntaxique. Comme Dieu. C’est le genre de mot qui peut tout contenir et ne renferme rien. Une table, on voit très bien ce que c’est. Mais l’amour dont tout le monde se gargarise ? Quel est le foutu con qui pourra me dire ce que c’est exactement ? »

La force du chagrin.

Un jeune homme de dix-sept ans, Tristan, a perdu sa sœur Eurydice dans des conditions particulières. Il n’arrive pas à s’en remettre, à l’accepter. Salim Bachi nous transcrit sa peine, son refus, sa colère lors d’une journée banale. L’écriture représente bien l’état de Tristan, elle est sèche, violente, crue. Le deuil lui ouvre les yeux sur le monde qui l’entoure : l’inertie de ses parents, l’arrogance et l’hypocrisie de ses amis nés avec une cuillère d’argent dans la bouche. Critique de la parentalité, critique sociale, critique de ce monde où règnent l’intolérance et le fanatisme religieux, ce roman est finalement aussi un roman d’apprentissage de la vie. Tristan fait le deuil de ses illusions, de son innocence. Ce deuil est brutal, mal canalisé, le jeune homme peut apparaître arrogant alors que c’est la souffrance qui le consume. Progressivement, on est en empathie pour lui sans être pour autant dans la pitié. On le regarde déambuler dans Paris comme un somnambule, présent tout en étant absent, jugeant les faits et gestes de son entourage. Le monde qu’il décrit avec force est réaliste même s’il semble parfois un peu caricatural, un peu surexposé par sa rage, une rage nécessaire. La violence est un exutoire vital pour ne pas devenir fou, ne pas basculer dans l’irréparable peut-être.

Salim Bachi livre un roman fort qui ne peut laisser indifférent. N’ayant lu de lui que Le consul, j’ai été assez surprise par son style radicalement différent. Pourtant, à la réflexion, ces deux romans ont un lien : le refus d’accepter les choses telles qu’elles sont.

Salim Bachi – Un jeune homme en colère – Gallimard – 208p

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