« Tant bien que mal » d’Arnaud Dudek

« Allumer, éteindre dix fois la petite lampe torche que ma mère m’a offerte quelques semaines plus tôt pour m’éviter de me cogner à une porte ou à un fantôme quand, à trois ou quatre heures du matin, je décide de me rendre aux toilettes. Vérifier dix fois que ce maudit lacet se trouve dans la table de nuit, et qu’il y a une clé au bout. Caresser dix fois la clé. Lorsque parfois je me trompe dans l’ordre du rituel, je dois tout recommencer. Sinon il reviendra me chercher, et je retournerai avec ».

L’auteur choisit le sujet de son roman. Du moins, c’est ce que tout lecteur pourrait croire. Or, il s’avère que bien souvent c’est le sujet qui choisit son auteur ou du moins il s’impose à lui avec une évidence implacable. C’est ce qui s’est produit pour Arnaud Dudek. Il travaillait tranquillement sur un projet d’écriture et puis le sujet de Tant bien que mal s’est imposé. Il ne pouvait pas se dérober, c’était plus fort que lui. Un sentiment d’urgence a guidé son écriture, nous livrant un roman court, serré, ne gardant que l’essentiel :  les sentiments et le parcours de résilience de cet enfant innocent devenu un adulte bien trop tôt.

A. a sept ans. Il rentre chez lui comme chaque jour par son trajet habituel. Une Ford Mondeo s’arrête. Un homme avec une boucle d’oreille et une odeur de cigarette lui demande de l’aider à retrouver son chat blanc. A. ne voit pas le mal, il monte. La forêt est tout près… Une partie de lui meurt ce soir-là et il ne dit rien à son entourage. Les années coulent tant bien que mal mais cet instant reste gravé en lui. Il rencontre sa femme, elle souhaite un enfant mais comment se projeter avec un bébé quand sa propre enfance a été détruite ? Et puis, vingt- trois ans après, l’homme à la boucle d’oreille refait surface, par hasard. Que faire ? Se venger ou tourner enfin la page ?

J’avoue avoir été vraiment cueillie par ce nouveau roman d’Arnaud Dudek. Je ne m’attendais pas à un sujet aussi dur avec un traitement si bouleversant. Pourtant, il y a toujours eu dans ses romans la question du « que fait-on juste après ? » Son précédent roman, Les vérités provisoires, abordait d’une certaine façon l’acceptation de la disparition. La résilience fait partie des thèmes de l’auteur. Mais là, le choc est encore plus violent et la beauté aussi. Oui je parle bien de beauté malgré le sujet car l’écriture est belle, sensible. Jamais un mot de trop, pas de pathos. Nous sommes dans la retenue, le souffle court mais aussi dans l’espoir. On s’attache énormément à A. pas uniquement en raison du drame mais aussi en raison de sa lente reconstruction, de ses questionnements. Une bien belle réussite. Ne passez pas à côté de ce roman !

Arnaud Dudek – Tant bien que mal – Alma éditeur – 96p

Du même auteur : 

" Les vérités provisoires " d'Arnaud Dudek - LES LECTURES DU MOUTON

Arnaud Dudek, c'est une manière bien particulière de raconter des histoires, avec grande simplicité mais toujours avec un ton juste, une sensibilité, une tendresse sans pour autant oublier l'ironie et la dérision. Ce joyeux mélange permet de transformer des histoires, des personnages d'une apparente banalité en un roman intéressant et qui se dévore rapidement.

http://www.leslecturesdumouton.com

Comments

[Karine]

Ouf ça a l'air très dur comme roman. Je ne connais pas du tout l'auteur, en plus. Merci pour la découverte.

[Antigone]

Tu vas crier, je n'ai encore jamais lu Arnaud Dudek ! Et pourtant ce n'est pas faute d'avoir envie ;). Merci pour ce coup de coeur que je rajoute à ma jolie collection du jour !

[Folavril]

Je le vois pas mal tourner sur la blogosphère, je vais finir par le lire!

[Delphine-Olympe]

Je retiens le conseil, d'autant que je ne connais pas encore cet auteur.

[Angélique Villen]

Très beau billet ! J’ai très envie de découvrir cet auteur maintenant... merci !