« Retour à Diên Biên Phù.
À la recherche d’un amour jeune er vieux, fou.
Retour ici, avec l’espoir mitraillé de retrouver celle qui m’accoucha.
Retour ici, pour mourir où je suis né, dans un corps-à-corps fiévreux.
Retour ici, après vingt ans d’exil intérieur, l’âme en feu. Je suis revenu ici, où je suis tombé amoureux, pour ne plus jamais me relever. Je suis revenu ici, pour finir mon voyage. Dans une bulle d’opium ou de tendresse. Je suis revenu ici, pour écrire la dernière page. De mon livre de vie.
Je suis de retour à Diên Biên Phù.
Pour mettre un point final à ma peine ou mourir en paix, dans les bras ou le doux souvenir de mon amour siamois au visage lune, Maï Lan, unique soleil dans la nuit ».
Nous grandissons avec des certitudes. Nous nous formatons plus ou moins consciemment. On fait des choses parce que c’est comme ça, parce que c’est notre place. Du moins, c’est ce que l’on croit. On se marie pour écraser deux solitudes. On défend son pays parce que l’on est convaincu que c’est une bonne chose. Et puis, la vie nous oblige à faire valser nos certitudes, à changer de focale. Il faut parfois un événement grave, comme la bataille de Diên Biên Phù par exemple, pour s’en rendre compte. Et parfois, il faut aussi attendre vingt ans derrière pour prendre les mesures qui nous importent, qui nous sont devenues indispensables, quitte à blesser ceux que l’on aime.
Alexandre a fait Diên Biên Phù. De cette expérience traumatisante, il a découvert trois indispensables, trois piliers dans sa vie : l’amitié, l’amour et la liberté.
L’amitié, c’est celle avec Alassane Diop, son camarade de régiment sénégalais. Épris de liberté et de culture, Diop a non seulement sauvé la vie d’Alexandre mais aussi éveillé sa conscience politique et ouvert le champ des possibles avec la poésie.
L’amour, c’est celui pour Maï Lan. Rencontrée en plein conflit, elle a été sa lumière, son guide, son essentiel au milieu de l’horreur. C’est un amour fort, incandescent qui tranche tellement avec la vie qu’il mène avec sa femme Mireille. Vingt ans après et malgré la construction d’une famille, Alexandre n’a jamais réussi à l’oublier, à désaimer.
La liberté, c’est celle qu’il reprend en quittant sa famille pour revenir à Hanoï, pour tenter de retrouver les traces de Maï Lan.
Marc Alexandre Oho Bambe, dit Capitaine Alexandre, nous offre un premier roman plein de poésie et d’humanité. Poète-slameur camerounais reconnu, il a su donner un bel écrin à cette histoire d’amour fou, impossible et d’amitié à toute épreuve en y mêlant textes poétiques et correspondances. Pas de barrières pour les sentiments mais aussi pour la culture, comment ne pas y être sensible ? Une magnifique lecture que je vous recommande.
Marc Alexandre Oho Bambe – Diên Biên Phù – Sabine Wespieser – 225p