« Thomas a menti, l’autre nuit au téléphone. L’enfant né le dix-sept mars n’est pas un bébé. Ce que Céline a mis au monde est le chagrin de sa mère, sa crainte de mal faire, de mal dire, de mal penser, c’est sa honte, sa rage inexprimable.
Alors elle se tient coite, Maria, docile, ravalant au fond de sa gorge les il et les elle. Elle bouillonne de dépit, de colère, mais mastique l’os qu’on lui octroie : elle dit Noun en attendant des jours meilleurs ».
Que sommes-nous prêts à accepter par amour ? C’est un peu à cette question que je pense quand je referme le livre d’Angélique Villeneuve. Qu’est-ce qui peut altérer ou pas l’amour que l’on porte aux autres ?
Maria est une veuve d’une cinquantaine d’années. Elle est coiffeuse est vit paisiblement avec son compagnon William. Le grand plaisir de sa vie réside dans les moments qu’elle partage avec Marcus, son petit-fils. Il est sa chair, son sang, son amour, son vert splendide de la « soupe de cresson saturée de crème ». La vie somme toute banale d’une grand-mère. Mais les choses se compliquent avec sa fille Céline et son gendre Thomas. Ils sont adeptes d’une parentalité alternative au point que Maria se retrouve un beau jour avec une robe pour habiller Marcus. Il se fait appeler Pomme. Céline, à nouveau enceinte, décide de ne pas révéler le sexe de son prochain enfant. Il s’appellera Noun et Maria ne pourra pas l’approcher sans ses parents à proximité. Maria encaisse sans broncher ces changements et le regard des autres : cela lui coûte son couple, son emploi mais l’important est de vivre les moments avec Marcus et Noun. Jusqu’au jour où la curiosité va l’emporter sur le reste…
J’étais un peu sceptique en lisant la quatrième de couverture et au final j’ai lu un bien merveilleux roman qui a su évoquer des thèmes assez universels, l’amour filial, les préjugés, tout en apportant une modernité avec la question du genre tellement d’actualité. L’ensemble pouvait pourtant être un désastre mais nous avons affaire ici à un bon écrivain qui sait traiter ces sujets avec délicatesse, avec finesse, en évitant tous les écueils. Il en ressort une histoire sans jugement, sans parti-pris où l’héroïne est profondément touchante. Elle pourrait être agaçante à être dans l’immobilisme, dans l’acceptation sans broncher mais elle n’est qu’amour envers les siens. Alors oui elle se sent parfois en décalage, oui le regard des autres lui pèse parfois mais elle revient toujours aux essentiels. Et puis comment ne pas se sentir proche de sa fille quand soi-même on voit la vie différemment des autres, avec des couleurs pour chaque chose et chaque personne ? Une belle ode à l’amour et au respect de ses choix et de ceux des autres.
Angélique Villeneuve – Maria – Grasset – 180p
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