« Les adolescents sont des adultes en puissance. Incontrôlables et morts de faim.
En bande, ils sont plus forts. Ils cambriolent, font crisser les pneus des bagnoles.
Ils se brisent les cœurs et les mains. Mais ils ont le droit. Ils vivent à l'âge transitoire. Leurs pulsions sont animales. Ils sont à part, incapables d'extraction. Le monde est à eux aussi loin qu'on regarde.
On les laissera faire. On les laissera jouer et tuer. L'adolescence est un passage obligé. Une espèce de souveraineté.
C'est la sombre période de l'indifférence ».
L’adolescence, une période difficile où l’on se cherche sans parvenir complètement à se trouver. Qui n’a pas eu sa petite (ou grosse) difficulté personnelle durant cette phase de la vie ? On se crée une famille de cœur, qui vient parfois suppléer celle du sang quand les relations avec les parents ne sont pas bonnes. On forme des clans avec des codes plus ou moins implicites. On s’émancipe. On fait l’apprentissage de la vie en somme. Mais que se passe-t-il quand cette période charnière se complique davantage avec des enjeux de pouvoir, de hiérarchies sociales ? Qu’arrive-t-il quand on brise les règles ?
Julien Dufresne-Lamy, à travers Les indifférents, évoque ces questionnements. « Les indifférents » sont trois jeunes bourgeois du bassin d’Arcachon. Nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, leurs vies ne sont qu’insouciance et jouissance. Et puis de toute façon, s’il y a un problème, papa et maman interviennent et règlent ça d’un coup de baguette magique ! Justine, quatorze ans, débarque dans ce milieu particulier. Elle a quitté son Alsace natale en raison de la séparation de ses parents. Avec sa mère, elle s’installe chez Paul Castillon, un riche entrepreneur. Bien qu’issue d’un milieu très modeste, Justine parvient à entrer dans le groupe des Indifférents et découvre par la même occasion leurs passe-droits mais aussi leurs soucis identiques à ceux de n’importe quel ado. Mais, dès le début du roman, nous savons qu’il s’est passé quelque chose de très grave dans ce groupe et cet événement est le fil rouge du roman. Les différents chapitres qui se succèdent sont là pour expliquer pourquoi on en arrive à ce drame, ce qui maintient le lecteur en haleine.
Julien Dufresne-Lamy nous livre un roman captivant, d’une écriture fluide. La psychologie des personnages est très fouillée. Les portraits de ces jeunes et de leurs parents sont francs, sans concession. Je me suis sentie proche de cette jeune fille, comme une amie. J’ai eu une drôle d’impression, celle de revivre mon adolescence par procuration (mais en moins dramatique je vous rassure). Et puis force est de constater que l’auteur a aussi l’art de brouiller les pistes sur l’événement grave. Je ne me suis doutée du dénouement que peu de temps avant la révélation finale de l’affaire. Je vous le conseille sans réserve.
Julien Dufresne-Lamy – Les indifférents – Belfond – 350p